Jusque-là cachées, les divisions de la Troïka sur l’extension de la confiscation de sociétés et biens mal acquis à des personnalités proches des familles dominantes de l’ancien régime (Ben Ali et Trabelsi en particulier) se sont étalées au grand jour vendredi 15 novembre 2013. Elyès Fakhfakh, ministre des Finances et président de la Commission de gestion des sociétés et biens confisqués, et Slim Ben Hmidane, ministre des Domaines de l’Etat et de la propriété foncière, qui ce jour-là ont organisé séparément deux rencontres traitant de cette question, ne sont pas sur la même longueur d’ondes.
Au sein de la Troïka, deux options sont avancées. La première consiste à publier une deuxième liste de «confisqués», composée d’hommes d’affaires, politiques et autres ayant eu des relations avec les Ben Ali et les Trabelsi. Cette liste aurait déjà été arrêtée et compterait une centaine de noms. Cette première approche a les faveurs du Congrès Pour la République (CPR) et plus particulièrement de Slim Ben Hmidane, dont le département héberge la Commission de confiscation.
La deuxième solution serait d’attendre la mise en œuvre de la justice transitionnelle et de laisser la possibilité aux personnes ayant profité de l’ancien régime de conclure des solutions amiables. Elyès Fakhfakh préfère cette deuxième formule, car la première risque, selon lui, de plomber davantage une économie déjà mal en point.
La gestion des sociétés et biens confisqués est un autre casse-tête pour le ministre des Finances. La Commission de gestion qu’il préside est en effet confrontée à la désobéissance de bons nombre d’administrateurs judiciaires -dont certains sont suspectés de mauvaise gestion, voire de malversations. Des accusations dont la Commission a chargé le Contrôle Général des Finances (CGT) de vérifier le bien-fondé.
La Commission de gestion est également confrontée aux pressions d’une partie des membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC) –nahdhaouis en particulier- qui voudrait accélérer le rythme des cessions pour réduire le recours à l’endettement.
Or, Elyès Fakhfakh pense qu’appuyer sur le champignon dans ce domaine risque de saturer la Bourse et de perturber le marché de l’immobilier (en mettant en vente près de 200 appartements et villas de luxe confisqués). D’ailleurs, les évènements semblent lui donner raison puisque les deux premiers appels d’offres pour la cession d’une partie de ces biens (la villa de Sakher El Materi, gendre de Ben Ali, à Sidi Bou Saïd, et cinq terrains aux Berges du lac de Tunis) n’ont suscité aucune manifestation d’intérêts.
Les cessions d’entreprises vont quant à elles se poursuivre, et le gouvernement espère retirer près de 1,2 milliards de dinars des opérations qui vont être programmées en 2014. Si le calendrier n’a pas encore été établi, la vision semble quant à elle claire: à l’exception des participations définies comme stratégiques –le ciment et le sucre, selon un responsable de la Commission de gestion-, tout est cessible. Y compris les participations dans les télécoms –Tunisiana (10%) et Orange Tunisie (51%)- où, tirant les leçons du passé, le gouvernement serait, selon Elyès Fakhfakh, déterminé à privilégier à l’avenir les opérateurs détenteurs d’un vrai savoir-faire au détriment des financiers –comme l’émirati EIT, détenteur de 35% du capital de Tunisie Télécom..