Un technoparc, c’est certes, un vecteur d’émancipation économique. Mais est-ce la réponse aux problèmes du développement régional?
Le projet du Technoparc de Gafsa est fin prêt. Il a été préparé en partenariat avec l’agence gouvernementale de la Corée du Sud, KOICA. Le profilage du projet a fait l’objet d’un benchmarking avec des technopoles prestigieuses, dont Sophia Antipolis, situé à Nice en France, ou Hsinchu science park à Taiwan.
Ce parc s’étend sur une superficie de 90 ha, donc la ville de Gafsa va doubler de taille. Le projet coûtera 100 millions de dinars environ, et le bouclage de son financement est assuré par le gouvernement, la société de gestion du parc ainsi que le tandem du Groupe Chimique avec la Compagnie des Phosphates de Gafsa.
A priori il n’y aucune crainte quant à l’aboutissement du technoparc dont la réalisation définitive demandera dans 10 ans. Mais cependant une question : Quelles perspectives pour Gafsa Technoparc?
La valeur emblématique des parcs technologiques
La Corée du Sud doit son décrochage technologique grâce à la promotion de ses vingt technoparcs. Et c’est a priori, ce qui a motivé la partie tunisienne à solliciter le partenariat avec ce pays.
Pour l’anecdote, il faut rappeler qu’au début des années 60 du siècle dernier, la Corée et la Tunisie avaient le même PIB. Cinquante ans plus tard, on connaît le résultat des courses. La Corée a eu un itinéraire qui l’a dotée de ces fameux conglomérats appelés “Chaebols“* lesquels, malgré un endettement décrié, ont fait de ce pays le dragon qu’on connaît.
Mehdi Jomaa, ministre de l’Industrie, lors de la présentation publique du projet, avait eu des propos assez flatteurs pour les partenaires coréens, “sérieux, tenaces, engagés, disciplinés, aimant toujours apprendre“.
En tant que puissance, on en attend un transfert technologique, cela va de soi. Et en tant que communauté humaine, on en attend un transfert de valeurs comportementales et notamment au travail. Il n’y a pas de doute, la Corée est un lièvre à notre taille dont on peut espérer dupliquer la marche émancipatrice.
Un technoparc hybride
Le Technoparc de Gafsa est le premier du genre, dans une région de l’intérieur. Selon les experts, il était difficile de lui conférer une vocation unique, à l’instar du parc d’El Ghazala, exclusivement dédié aux IT, ou de Bizerte tourné vers l’agro-industrie. Les promoteurs pensent avoir optimisé le profil du parc en réunissant trois pôles. Il est prévu une activité mécatronique. Là, c’est étranger à la région. Ensuite, de la chimie fine, en rapport avec les phosphates. Enfin, arrivent les technologies environnementales et l’énergie renouvelable, activité passe-partout.
Un technoparc n’est pas la solution radicale au développement oui mais…
Ne faisons pas la fine bouche. Un technoparc, c’est ce qui peut arriver de mieux pour une région. Mais à lui tout seul il ne saurait apporter une réponse définitive aux problèmes du développement dans une région. Si on ne sait comment faire pour que le technoparc diffuse son effet d’entraînement dans toute la région, cet espace restera enclavé et le décollage ne produira pas son plein effet.
Il est assez cohérent, avec la physionomie du site, de promouvoir un pôle de chimie fine. Tout s’y prête. Ajouter qu’un bonheur n’arrive jamais seul, on découvre un gisement considérable de silice d’une qualité recherchée, propre à la production de micro processeurs pour l’informatique. Le projet d’exploitation est chiffré pour 1,4 milliard de dinars. Il est entendu que le pôle chimie fine procurera un boost considérable au technoparc. Il est tout aussi acquis que l’appel de main-d’œuvre qualifiée détendra le marché de l’emploi dans la région.
Mais le ciblage des activités devrait prendre un autre profil, selon nous. Afin de forcer un partenariat avec les Coréens, on aurait privilégié l’électronique, la construction automobile et, sur un autre site, peut-être, la construction navale. Nous achetons des télés, des téléphones portables, des autos et des ferries à la Corée. Il faut donc des choix conséquents.
Et puis, notre propos consiste à dire que le technoparc répond à une demande certaine d’évolution économique. Ce serait encore mieux de l’intégrer à une vision plus globale d’aménagement du territoire avec un découpage optimisé des régions.
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* Selon Wikipédia, les chaebol sont, en Corée, des ensembles d’entreprises, de domaines variés, entretenant entre elles des participations croisées. Ils sont les équivalents coréens des anciens zaibatsu japonais (dissous par les autorités d’occupation américaines et réapparus sous la forme des keiretsu). Les deux expressions s’écrivent d’ailleurs avec les mêmes caractères chinois, la différence étant dans la prononciation apparentée.
Selon Eric Bidet1, la colonisation japonaise a joué un rôle dans l’émergence des chaebols en Corée du Sud, les premières industries coréennes ayant été mises en place par les Japonais dans l’entre-deux-guerres.
Restés des groupes familiaux, les chaebols ont développé leurs activités dans de nombreux secteurs, tout en contrôlant étroitement leurs filiales. La crise économique de 1997 a toutefois nécessité des restructurations, fondées sur un recentrage des activités et un important effort de désendettement.