Au large des Canaries, la quête de l’or noir pourrait bientôt débuter

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étrolière du groupe Repsol aux îles Canaries, le 24 mars 2012 à Ténérife (Photo : Desiree Martin)

[06/12/2013 10:57:01] Madrid (AFP) Un archipel prisé des touristes, dont les eaux cristallines pourraient abriter la plus grande réserve de pétrole en Espagne: aux îles Canaries, pendant que le groupe Repsol veut commencer à prospecter au printemps, écologistes et autorités locales s’y refusent.

L’entreprise, qui n’attend plus qu’un dernier feu vert du ministère de l’Environnement, prévoit d’y installer dès janvier sa base logistique, pour commencer à sonder en mai, en deux points situés à quelque 60 kilomètres des côtes.

Pour le contrer, les opposants au projet ont lancé lundi une campagne doublée d’une pétition en ligne appelant à “sauver les îles Canaries”, avec plus de 35.000 signatures. En 2012, des manifestations avaient déjà rassemblé des milliers d’habitants.

L’objectif est d'”essayer d’internationaliser le conflit et de rassembler dans une même campagne tous les secteurs qui sont contre les prospections”, explique Fernando Rios Rull, qui suit le dossier pour le gouvernement régional, à la tête de cette fronde.

Leur manifeste, “Pour un archipel des Canaries sans pétrole”, a été signé par plus de 40 organisations, dont les associations écologistes Greenpeace et WWF, des organismes scientifiques et le parti socialiste, principale force d’opposition en Espagne.

Ces prospections “représentent une menace sérieuse pour les richesses naturelles de l’archipel, pour son économie, pour sa capacité à s’approvisionner en eau potable, pour son tourisme et donc pour ses habitants, actuels et futurs”, dit ce manifeste, lu à Madrid par la comédienne Pilar Bardem, mère de l’acteur oscarisé Javier Bardem.

Marcos Fraga, porte-parole de Repsol, s’étonne: “quel pays voudrait renoncer à connaître l’ampleur de ses ressources naturelles?”.

Surtout quand son économie, la quatrième en zone euro, a été assommée par deux récessions en cinq ans.

“L’Espagne est le pays de l’OCDE avec la plus forte dépendance en importations d’hydrocarbures”, rappelle-t-il, faisant venir de l’étranger “plus de 99% du pétrole qu’elle consomme”.

900 millions de barils

Les eaux profondes des Canaries, selon Repsol, pourraient abriter une véritable pépite: l’équivalent de 900 millions de barils de pétrole (2,3 milliards dans le scénario le plus optimiste), de quoi couvrir 10% de la demande espagnole en produisant, pendant vingt ans, 100.000 à 150.000 barils par jour.

Le groupe, associé dans ce projet à l’australien Woodside et l’allemand RWE, entrevoit la possibilité de créer “3.000 à 5.000 postes de travail” sur la même période, une bonne nouvelle dans une région avec un taux de chômage de 35%.

Son atout? Le soutien clairement affiché du ministre de l’Industrie José Manuel Soria, originaire des Canaries et possible candidat aux élections régionales en 2015. Il voit dans la recherche de pétrole l’opportunité d'”introduire une nouvelle activité économique”.

Car cet archipel ensoleillé de sept îles, au large de l’Afrique de l’ouest, dépend majoritairement du tourisme, avec 10 millions de visiteurs en 2012.

“Les plages de sable blanc du sud de l’île de Fuerteventura sont très appréciées et les touristes viennent en masse pour chercher du soleil, une eau propre et du vent” pour faire par exemple du surf, raconte Miguel Angel Soto, porte-parole de Greenpeace España sur ce thème.

Et l’île voisine de “Lanzarote est une réserve de la biosphère qui fonde son économie sur le tourisme de qualité”: “le pétrole viendrait tacher toute cette image, et en cas de fuite cela compromettrait pour des années le tourisme de ces îles”, prévient-il, évoquant aussi les effets désastreux pour cette zone peuplée de cétacés.

Mais ces millions de touristes “arrivent aux Canaries grâce au pétrole” qui fait fonctionner les avions ou bateaux qu’ils prennent, rétorque Marcos Fraga, rappelant que, dans les eaux voisines du Maroc, les prospections ont déjà commencé, et assurant que rien ne sera visible des plages.

Repsol, qui compte investir 9 milliards d’euros au total dans ce projet, prévoit de sonder la zone pendant un an, puis s’il demande et obtient l’autorisation du gouvernement de passer à la phase d’extraction, “vers 2019-2020 nous pourrions obtenir la première goutte”.

Ce scénario implique qu’il y ait effectivement du pétrole à cet endroit-là, en quantité et qualité suffisantes. Sur ce point le groupe évalue ses chances à 20%.