Tunisie – Banque Mondiale : Comment sortir de l’austérité, en accélérant la croissance?

Par : TAP

banque_mondial-07122013s.jpgJean
Luc Bernasconi, économiste en chef pour la Tunisie à la Banque Mondiale a
commenté, vendredi, le nouveau rapport de la banque mondiale sur les
perspectives économiques de la Tunisie, intitulé “sortir de l’austérité en
accélérant la croissance”.

Tenant un débat avec les journalistes, au siège du bureau de la banque mondiale
à Tunis, l’économiste en chef a considéré que “la reprise économique est
fragilisée en Tunisie, avec une croissance ralentie en 2013, insuffisante pour
réduire durablement le chômage, encourager le développement régional et créer
une prospérité partragée”.

La croissance a perdu son dynamisme en 2013

Selon le rapport, “le rebond de 2012 a été de courte durée alors que la
croissance a perdu son dynamisme au cours des trois premiers trimestres de 2013
et restera probablement faible jusqu’à la fin de l’année. Les premières
évaluations pour 2013, suggèrent que la reprise a déja perdu de son dynamisme
avec les tensions sécuritaires qui ont affaibli le secteur du tourisme et ont eu
un impact négatif sur les IDE, alors que la reprise reste molle dans l’UE”. “La
croissance du PIB devrait se situer autour de 2,6 % (en baisse par rapport aux
4,5 % prévus dans le budget de l’état en décembre). La croissance au troisième
trimestre a été maintenue à flot par les services marchands et non-marchands
(respectivement +4,7 et +5,4 % en glissement annuel), notamment dans le secteur
des TIC (+9,8%) et de l’administration publique (+5,4%). Le secteur du bâtiment
et des travaux publics a également, résisté (+4,7%). Par contre, les activités
manufacturières ont fortement ralenti après une relative embellie au second
trimestre (+0,2 %) et la production agricole a continué à se contracter (-3,3%)
pour le troisième trimestre consécutif”. Pour la BM, “la combinaison de
l’incertitude politique et des tensions sociales qui perdurent dans le pays
ainsi que les faibles performances de la zone euro et l’instabilité permanente
en Libye continuent à entraver une croissance plus rapide. Les retards dans la
mise en oeuvre de réformes économiques combinés avec le peu de confiance du à
l’incertitude politique se sont traduits par une croissance et des
investissements modérés. L’économie tunisienne semble même s’installer sur un
sentier de croissance économique trop faible pour durablement enrayer le chômage
et garantir le développement social”.

“La politique budgétaire expansionniste s’est poursuivie pour la majeure partie
de 2013, comme en témoigne l’augmentation des dépenses en matière de salaires et
de subventions. Le budget 2013 avait programmé un déficit budgétaire de 5,9 % du
PIB. La pression monte au niveau des dépenses et le Gouvernement a adopté un
collectif budgétaire qui prévoit un déficit avoisinant les 7 % du PIB, une telle
détérioration reflète également, l’affaiblissement de la croissance du PIB, des
revenus fiscaux inférieurs aux attentes ainsi que des dépenses supplémentaires
(0,7 % additionnels du PIB prévus pour la recapitalisation des Banques
publiques). La composition des dépenses publiques est de plus en plus centrée
sur les salaires et les subventions sur les denrées alimentaires et l’énergie
(presque 70 % des dépenses totales combinées).

“Après une augmentation des réserves en devises en 2012, les interventions
visant à soutenir le dinar, ainsi qu’une détérioration du compte courant et un
financement extérieur plus faible que prévu ont provoqué une érosion de ces
réserves au cours de l’année 2013 (7 milliards de dollars soit 3 mois
d’importations des biens et services). Le déficit du compte courant a atteint
8,1 % du PIB en 2012 et devrait se maintenir à ce niveau élevé en 2013, alimenté
par un important déficit des échanges commerciaux et des recettes touristiques
qui stagnent”.

Selon le rapport de la banque mondiale, “la dernière analyse de la Viabilité des
Dettes (DSA) suggère que la Tunisie possédait l’espace fiscal nécessaire pour
permettre cette expansion budgétaire des deux dernières années, mais que cette
marge de manœuvre s’est maintenant refermée. Le ratio de la dette publique a
augmenté pour passer de 40,4% en 2010, à plus de 45% du PIB en 2013”.

L’analyse montre le besoin d’un programme de réforme à deux volets pour
“contrôler les dépenses publiques courantes et booster l’investissement et la
croissance économique”.

Pour pouvoir s’attaquer aux faiblesses structurelles du secteur bancaire, dont
la restructuration est prévue en 2014, les autorités mettent de côté, des
ressources budgétaires pour permettre une recapitalisation des banques publiques
à 0,7% du PIB (500 millions de dinars) en 2013, ce qui nécessitera 2,2 % du PIB
supplémentaires (1 700 millions de dinars) en 2014.

Déficit du compte courant élevé

Le déficit du compte courant reste élevé au cours des dix premiers mois de 2013
(6,5% du PIB par rapport à 6,9% en 2012), à cause d’un déficit de la balance
commerciale plus élevée (3,3 % au-dessus de l’année précédente) et de la
stagnation des recettes touristiques et des transferts d’argent des travailleurs
émigrés. Ceci, en dépit des importations plus basses, (-0,4% en volume pour les
huit premiers mois) qui ont partiellement compensé la baisse des exportations
(+3,2% en volume) et de certains signes de lente reprise dans le secteur
manufacturier exportateur au cours du deuxième trimestre.

De la même manière, les IDE pendant la première moitié de 2013 étaient plus bas
que pendant la même période de l’année dernière (en volume), reflétant d’une
part l’incertitude à laquelle est confronté le secteur privé. Le dinar tunisien
a continué de se dévaloriser, en perdant 6,6% contre l’euro et 7,1 % contre le
dollar EU à la fin du mois de novembre 2013.

La BM a estimé que “la Tunisie est incapable de financer de tels besoins en
hausse à partir des sources traditionnelles sur les marchés des capitaux alors
que les plus grandes agences de notation ont baissé plusieurs fois la notation
de la dette souveraine de la Tunisie depuis la révolution”.

“Alors que les besoins sont plus importants que prévus, avec un accès aux
marchés des capitaux contraint, le montant des appuis à venir seront
probablement beaucoup plus bas que prévu avec les contributions principales
provenant de la Banque mondiale (250 millions de dollar) et de la Turquie (200
millions de dollar). Le seul financement provenant des marchés des capitaux
était les 230 millions de dollar, en obligation Samurai levés avec une garantie
japonaise. Le financement par les nouvelles obligations islamiques (SUKUK) a été
reporté”.

“Concernant l’accord de 1,7 Milliard d’euros signé entre la Tunisie et le FMI,
un premier versement de 150 millions de dollar a déja été effectué. La Tunisie
pourrait avoir accès à 500 millions de dollar supplémentaires, à conditions que
les objectifs du programme de réforme économique soient atteints. Compte tenu
des incertitudes politiques actuelles, le FMI a décidé de combiner le premier
examen du programme (initialement prévu pour le mois d’octobre 2013) avec le
deuxième examen en décembre 2013. le gouvernement a également la possibilité
d’utiliser les ressources de l’accord pour financer le budget”.

A l’aube de 2014, la Tunisie est confrontée à des perspectives économiques
difficiles mais le potentiel et les atouts du pays sont pourtant incontestables.
La BM a considéré qu’il sera difficile de maintenir le modeste taux de
croissance réalisé en 2012 et 2013, sans engager des réformes profondes. Il
faudra, surtout rationaliser la masse salariale et les subventions. “L’urgence
d’adopter des réformes significatives ne saurait être plus aiguë. dans un
scénario positif, de réformes plus résolument engagées, de transition politique
offrant une visibilité suffisante aux agents économiques et d’un environnement
extérieur plus porteur, la croissance pourrait s’accéder progressivement à
l’horizon 2015- 2016 avec un impact positif croissant sur le marché de
l’emploi”. M.Bernasconi a cité certaines mesures urgentes de réforme qui peuvent
favoriser la reprise économique, telles que la promulgation du code des marchés
publics pour faciliter l’exécution de l’investissement public, l’allégement des
procédures administratives…

WMC/TAP