L’histoire peut paraître anecdotique. Au vu de la pagaille qui règne dans le pays de façon générale, et de la léthargie qui frappe le tourisme tunisien, elle peut même paraître anodine. Elle est surtout symbolique d’un passé plombé par des années d’approximations et d’un avenir qui tant qu’il reste dépourvu de dialogues, de concertations et d’audace ne peut nullement être prometteur ni révolutionnaire.
L’histoire est juste celle d’un représentant du tourisme tunisien en charge des marchés russe et ukrainien. Au cours du séminaire des représentants de l’ONTT, qui s’est tenu la semaine écoulée à Tunis, l’homme, épuisé mais déterminé, ne réclame rien. Juste des documents promotionnels en russe et ukrainienne pour pouvoir travailler. Pathétique!
A ce genre de demandes, Jamel Gamra, ministre du tourisme fait une réponse politiquement correcte: «Affinez vos demandes, exigez ce qu’il vous est nécessaire pour travailler, et nous sommes dans l’obligation de vous le procurer…». Nous avons presque envie de lui crier, imprimez sur «print» en russe!
Habib Ammar, directeur général de l’Office national du tourisme Tunisien (ONTT), prend quant à lui la posture d’un commentateur, desservant à gauche et à droite des réflexions, partageant des impressions mais ne se sentant pas particulièrement concerné par le poids des responsabilités ou par la profondeur de la crise que vit la destination et ses représentants. En un laps de temps, il nous fait penser à Hamadi Jebali quand il a desservi sa phrase d’anthologie: «Où est le gouvernement», alors qu’il en était à sa tête!
En conclusion de la première journée à laquelle nous avons assisté, s’il y a une équipe à remotiver et à ressouder autour de son chef et de ses objectifs, c’est bien celle de l’ONTT. Les représentants du tourisme sont des soldats à qui est demandé l’impossible avec peu de moyens, peu d’encadrement et surtout presque pas de compassion! Avant de vouloir donner du goût à des étrangers de venir dans notre pays, il est clair que c’est aux Tunisiens et au staff de l’équipe du tourisme tunisien qu’il s’agit de redonner le goût du tourisme et de la Tunisie.
Un peu plus loin dans la journée, les représentants se sont quasiment tous plaints du manque d’informations au sujet de la destination Tunisie, des lenteurs administratives, des dossiers qui traînent au «Juridique». Comment peuvent-ils convaincre, séduire, proposer si eux-mêmes ne sont guère alimentés, si leurs informations sont caduques et si pour payer un repas à un agent de voyage ou un journaliste ils doivent en référer au siège? Comment peuvent-ils être efficaces quand, à l’heure du net et du téléphone portable, ils attendent des semaines et des mois des réponses de Tunis qui ne leur viennent soit jamais soit trop tard?
C’en est à se demander pourquoi les services de l’ONTT, qui comptent un staff de plus de 1.300 employés, n’alimentent pas les diverses représentations de mises à jour permanentes sur les ouvertures de nouveaux établissements touristiques, le lancement de nouveaux chantiers de mise en valeur du patrimoine culturel du pays, les quelques opérations en cours, etc. II semble évident que les limites des représentants en mission à l’étranger se nourrissent aussi et surtout de la fragilité du back office ici, en Tunisie.
Lors de son allocution durant le séminaire, Mohamed Ali Toumi, président de la Fédération tunisienne des agents de voyages (FTAV), est revenu sur le manque des moyens des représentants dont on exige d’être quasiment des surhommes ou super women!: «Je suis sidérée quand je vois que le représentant doit faire à la fois le démarcheur, le lobbyiste, l’attaché de presse, l’accompagnateur et même le chauffeur…» Pire encore, «Ils n’ont pas la latitude d’agir comme ils le devraient».
Etouffées par les lourdeurs administratives obsolètes, n’est-il pas venu 1000 fois le temps de réviser les règles qui entravent les efforts de nos compétences sur qui reposent la destination et son avenir et qui doivent être soutenues et encouragées? Jusqu’à quand allons-nous prétexter des entraves juridiques pour éviter de prendre le taureau par les cornes et révolutionner ce tourisme sous respiration artificielle? En temps de crise, il faut de l’audace et un zeste de folie pour faire redémarrer la machine, réinventer l’approche et affûter les armes pour être fin prêt au moment opportun.
C’est alors que revient en mémoire aussi d’autres réflexions. Quels sont le contrat et la mission d’un représentant à l’étranger? Comment est-il formé, choisi et nommé? Comment se peut-il qu’un représentant soit nommé dans un pays dont il ne maîtrise même pas la langue? Comment se fait-il que la nomination soit encore perçue comme un cadeau de fin de carrière ou un «frigo» dans lequel on place les éléments dérangeants? Quelle est la job description précise d’un représentant à l’étranger?
Tant de questions qui tombent en cascade. Alors que certains représentants en appellent à une pause, à des séminaires spécifiques par marché comme le suggère Leila Tekkaya, représentante à Paris, d’autres en appellent à un peu plus de concertations et d’échanges d’expériences entre représentants. En attendant et espérant la fameuse restructuration de l’ONTT comme le stipule l’étude Roland Berger.