En Europe, une “crise après la crise” aux conséquences imprévisibles

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à Athènes le 6 décembre 2013 (Photo : Louisa Gouliamaki)

[10/12/2013 14:18:56] Athènes (AFP) Faut-il s’attendre à un soulèvement populaire en Europe? En tout cas, il ne viendra “ni des partis politiques ni des syndicats”, plutôt d?anonymes “qui n?avaient jamais envisagé faire une chose pareille…”

Si ce récent commentaire du quotidien Kathimerini s’applique à la Grèce, il n’en illustre pas moins la menace qui pèse sur les démocraties à travers l’Europe, où plusieurs pays vivent un paradoxe: leurs indicateurs économiques incitent à l’optimisme, mais le chômage et la pauvreté éreintent chaque jour un peu plus leurs populations.

Une “crise après la crise”, qui nourrit poujadisme et populisme, à quelques mois des élections européennes.

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” (Photo : Josep Lago)

“Une amélioration ? On ne la voit pas, et on ne la verra pas avant très longtemps”, assure Manuel Moreno, 34 ans, qui vient de perdre son job dans une organisation humanitaire de Madrid.

“Pendant la crise économique des années 1990, il a fallu 15 ans pour voir une amélioration. Avec cette crise, qui est bien pire, il est possible qu’on ne voit rien venir avant 20 ou 25 ans”, rétorque-t-il lorsqu’on lui parle de reprise économique.

Comme plusieurs pays européens, l’Espagne va mieux. En 2012, elle avait reçu une aide de 41,3 milliards d’euros après l’éclatement de sa bulle immobilière. Elle vient d’annoncer qu’elle sortirait en janvier des plans d’aide européens, renouant timidement avec la croissance après deux ans de récession.

Même scénario pour l’Irlande, autre enfant malade de l’Europe en 2010, qui doit s’affranchir des plans d’aide en décembre.

Pourtant, aucune baisse du nombre des chômeurs (actuellement plus d’un actif sur quatre) n’est attendue avant 2015 en Espagne, selon la Commission européenne, et 21,6 % des Espagnols risquent de tomber dans la pauvreté. Une descente aux enfers silencieuse, car la mobilisation dans la rue marque le pas.

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UE et du FMI (Photo : Peter Muhly)

Le même découragement gagne la Grèce: le 6 novembre, jour de grève générale, le syndicat GSEE du privé a pris la décision, inédite, d’annuler son défilé à Athènes, alors que les manifestants se faisaient rares.

Les deux grands syndicats du public et du privé sont déconsidérés parce que perçus comme “des représentants du Pasok”, le parti socialiste au pouvoir avec les conservateurs, analyse le politologue Ilias Nikolakopoulos.

“mourir d’austérité”

Pour la première fois depuis six ans, Athènes prévoit une sortie de récession en 2014. Un résultat que la troïka des créditeurs (UE et FMI) impute à l’austérité extrême qu’elle impose à la Grèce: amputation des salaires et retraites, hausses d’impôts.

Mais avec un chômage en hausse à 27,6 % (55 % chez les jeunes), il n’y a pour les Grecs aucune amélioration en vue.

“Quand la dette a explosé en 2010, rien n?a bougé pendant un an. Peu de licenciements, maintien des salaires – certains ont même augmenté ! C’est la même chose avec cette prétendue amélioration économique. A quand les effets positifs pour les gens ?” s’interroge le journaliste Polydefkis Papadopoulos.

Risques d’explosion en Grèce

“Les Grecs s’adaptent, mieux que d’autres, mais il y a des risques d’explosion.”

Le gouvernement est sous la menace d’une défection de députés de sa coalition, qui n’a que quatre voix de majorité au Parlement. Et un succès du parti néonazi Aube dorée, de nouveau en hausse dans les sondages (à 10 %), lors des élections municipales et européennes du printemps, déstabiliserait la classe politique.

En Italie, qui pourrait sortir mollement de la récession l’an prochain, les populistes sont en embuscade pour les élections européennes. En particulier le

Quant au Portugal, contraint à d’énormes sacrifices par la troïka, il affiche un retour de la croissance, et une baisse du chômage – quoique incertaine, car nombre de sans emploi ont baissé les bras et ne s’enregistrent plus.

Et dans l’attente des dividendes de la reprise, 2014 verra de nouvelles amputations dans les salaires des fonctionnaires, qui crient colère. Ainsi le 21 novembre à Lisbonne, où c’était au tour des policiers, gendarmes et gardiens de prison.

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érité du gouvernement portugais le 12 novembre 2013 (Photo : Francisco Leong)

“Une grande bataille est en cours: celle de l’Europe des peuples contre l’Europe des populismes”, a prévenu le 1er novembre le président du Conseil italien Enrico Letta, avant les européennes de mai.

“Je lutte pour une Europe qui comprenne qu’on peut mourir d’austérité, et que la ligne de la seule austérité fera gagner les +Le Pen+ (en France), et les eurosceptiques comme Grillo, chez nous.”

De fait, le Front National de Marine Le Pen a le vent en poupe, selon les sondages, dans un pays où droite, gauche et syndicats sont dépassés par des jacqueries et protestations catégorielles contre le chômage, l’impôt ou le système.