érault, examine des plants de stévia à Marsillargues, le 4 août 2010 (Photo : Pascal Guyot) |
[13/12/2013 11:07:14] Montpellier (AFP) Face à une intense concurrence de la Chine, une filière de production de stévia “Made in France” – cette plante dont on tire un édulcorant alternatif à l’aspartame – est prête à sortir de terre dans l’Hérault. Elle n’attend que les commandes des industriels.
“Nous, on fait du +Fauchon+”, plaisante à moitié Charly Fabre, responsable du projet stévia à la Chambre d’agriculture de l’Hérault. Car pour avoir de la stévia tricolore, il va falloir mettre le prix, dit-il, sans toutefois le chiffrer.
Depuis 2010, il tente avec l’équipe du Centre d’expérimentation horticole (CEHM) de Marsillargues, de faire pousser de la stévia, une plante originaire du Paraguay, sur le sol français en agriculture raisonnée. Ils ont été les premiers à se lancer dans l’Hexagone, un an à peine après l’autorisation d’utiliser dans l’Union européenne la molécule (au fort pouvoir sucrant) issue de la stévia, la Rébaudioside A.
Pour eux, il y a un double enjeu: saisir à temps un marché en pleine expansion, la stévia étant prisée de grands groupes comme Coca-Cola pour remplacer l’aspartame dans leurs produits. Et trouver des cultures de diversification (kaki, céréales…) pour combler les friches laissées par les vignes arrachées, dans une région qui a connu une grave crise viticole.
Après trois ans d’expérimentation, le bilan est mitigé. Car la stévia n’aime pas le froid et même à Montpellier, il fait encore trop frisquet à son goût. “Normalement, avec la stévia, on peut faire deux à trois récoltes par an. Chez nous, ça peut être deux, et encore si on plante tôt”, explique Lucile Guigal-Merle, en charge du volet agronomique de ce projet.
“On sait la produire, mais à un certain coût. Et aujourd’hui, on est pas compétitifs” face à la stévia chinoise, qui représente 70% de la production mondiale, reconnaît Charly Fabre.
Et les rendements restent encore trop aléatoires, de 19 à 5 tonnes par hectare.
Crème de nuit à la stévia ?
Donc pour l’instant, outre les quelques parcelles d’essais dans l’Hérault, le Gard, l’Aude et les Pyrénées-Orientales, la Chambre d’agriculture de l’Hérault n’a poussé aucun agriculteur à s’y mettre. Elle souhaite d’abord mieux “cerner” la culture et attend d’avoir des débouchés concrets.
La solution pourrait venir de Provia Sud, une petite entreprise basée à Lunel qui a vu le jour en début d’année. Elle a l’ambition de “diversifier l’usage de la stévia en valorisant ses déchets”, explique son cofondateur, Aurélien Picard.
Car la stévia n’a pas que des molécules au fort pouvoir sucrant, “on lui prête également des principes actifs anti-âge, cicatrisants, contre l’acné… qui pourraient servir dans la cosmétique” notamment, poursuit ce jeune ingénieur.
Ces principes sont situés dans d’autres molécules que la fameuse Rébaudioside A. Pour les extraire, Provia Sud a mis au point une technique de filtration membranaire, garantie sans produit chimique, qui permet de conserver le reste de la plante intacte et donc qui n’endommage pas les autres molécules qui pourraient avoir un intérêt.
Ce procédé a un autre gros avantage: il est garanti sans solvant (seule de l’eau est utilisée), contrairement à la stévia chinoise, dont la molécule est le plus souvent extraite directement en Chine, à l’aide de solvants et techniques non tracées.
Si Provia Sud parvient à trouver des débouchés pour ces molécules, la production agricole serait mieux valorisée car les agriculteurs pourraient vendre aussi, en plus des feuilles, les tiges des plantes cultivées. Et cela réglerait, en partie, le problème de la compétitivité de cette culture, en attendant que les agronomes réussissent à régler les difficultés de l’acclimatation de cette culture sur le sol hexagonal.
Mais encore faut-il que des industriels se lancent dans l’aventure. Provia Sud a l’ambition de bâtir une filière locale dans le sud-est de la France, et espère une concrétisation au plus vite.