éléphone portable comme lampe torche, le 7 décembre 2013 à Kiev (Photo : Viktor Drachev) |
[14/12/2013 12:06:07] Kiev (AFP) Appels à la mobilisation, entraide pour le transport ou le logement: internet et les réseaux sociaux se sont imposés comme les vecteurs essentiels de la contestation pro-européenne en Ukraine, surnommée sur la toile #euromaidan.
Comme un slogan, ce “hashtag”, mot-clé dans le jargon des réseaux sociaux, a été peint en grosses lettres sur un mur qui domine la place de l’Indépendance, “Maïdan Nezalejnosti” de son nom ukrainien, coeur de la contestation depuis trois semaines.
Les réseaux sociaux ont démontré leur capacité à mobiliser dans la nuit de mardi à mercredi, quand l’arrivée des forces anti-émeutes à deux heures du matin a provoqué l’afflux de 10.000 manifestants.
Les messages, d’abord alertant de l’imminence de l’assaut, puis des appels à la mobilisation, se sont multipliés, relayés par les comptes sympathisants du mouvement, comme EuroMaydan sur Facebook (156.000 abonnés) ou sur Twitter @EuroMaydan (16.800 abonnés) et @euromaidan (20.000).
“L’information sur Facebook se répand beaucoup plus vite que dans les médias traditionnels comme la télévision ou les journaux”, confirme Irina Moukhina.
Cette militante fait partie de l’équipe qui anime la page Facebook “Evromaidan SOS” (27.000 abonnés) dans un appartement de Kiev, dont elle demande de garder l’adresse secrète.
Créée “en cinq minutes” par des militants des droits de l’homme et des juristes, la page était destinée au départ à venir en aide aux opposants blessés lorsque la police anti-émeutes a violemment dispersé une manifestation d’étudiants le 30 novembre.
Elle se fait désormais plus largement le relais de l’organisation du mouvement.
“Sans les réseaux sociaux, jamais ils n’auraient réussi à réunir 10.000 personnes en une heure!”, constate, au sujet de l’assaut de la police mercredi, Andriï Taranov, qui travaille à Kiev dans une société spécialisée dans l’analyse des médias.
Avec des amis dans le milieu de la pub et des médias, ils ont diffusé abondamment des messages expliquant la contestation à l’attention de l’est russophone, base électorale du gouvernement, sur Facebook ou son équivalent russe VK, très populaire en Ukraine.
Le but était de contrer la couverture très négative des médias locaux souvent acquis au pouvoir.
“Cela a donné des résultats: les gens ont écouté, en ont discuté, ont apporté des arguments”, estime M. Taranov.
“comme une traînée de poudre”
Lors de la Révolution orange de 2004, qui avait amené au pouvoir les pro-occidentaux défaits en 2010 par Viktor Ianoukovitch, c’était la télévision, et surtout la chaîne d’opposition 5 Kanal qui servait de relais à la contestation.
Cette fois, les réseaux sociaux se sont imposés.
Le 21 novembre, dès l’annonce de la volte-face du pouvoir sur l’accord d’association avec l’UE, l’information “s’est répandue comme une traînée de poudre”, constate Maksym Savanevskyi, directeur exécutif de PlusOne, une société spécialisée dans le marketing numérique.
“Il n’y avait jamais eu de tels moments dans l’histoire de l’Ukraine, où tous les débats tournaient autour d’un seul thème” sur les réseaux sociaux, poursuit-il.
La fréquentation sur Facebook ce soir là a doublé et se maintient depuis à un haut niveau: “Les gens suivent ce qui se passe via leur téléphone portable et leurs amis qui photographient les évènements” sur le réseau, selon l’expert.
écembre 2013 à Kiev (Photo : Vasily Maximov) |
Quant à Twitter, utilisé de façon marginale avant le mouvement, il a vu sa fréquentation exploser, avec jusqu’à 3.000 messages par heure avec le mot-clé #euromaidan.
Twitter a surtout servi de relais aux propositions d’entraide entre particuliers: covoiturage vers Kiev depuis la province avec le mot clé #gettomaidan, hébergement…
Sur Facebook, des magasins ont aussi annoncé qu’ils proposaient chauffage et thé aux militants ayant besoin de se réchauffer vu les températures glaciales. Des restaurants ont promis des ravitaillements gratuits.
Des sites internet ont été ouverts pour recueillir aide financière des Ukrainiens de l’étranger, tandis que le site galas.org.ua met en relation des particuliers qui proposent ou cherchent hébergement, nourriture, transport…
Sur ce site, Irina Morzova et ses collègues ont mis les locaux de leur entreprise de conseil à disposition des manifestants en manque d’hébergement.
“Nous avons un bureau où il fait chaud la nuit, pourquoi ne pas les aider: ils passent beaucoup de temps dehors à se battre pour nous”, explique cette habitante de la capitale.