éunion ministérielle européenne à Luxembourg (Photo : Georges Gobet) |
[16/12/2013 12:52:35] Francfort (AFP) La décision de Jörg Asmussen de quitter le directoire de la Banque centrale européenne (BCE) pour rejoindre le gouvernement allemand risque de priver le patron de l’institution monétaire, Mario Draghi, d’un allié précieux pour défendre sa politique en Allemagne.
“Ce départ surprise (…) constitue une perte stratégique pour la BCE”, estime Christian Schulz, de la banque Berenberg.
L’économiste rappelle que c’est en effet M. Asmussen qui a plaidé en juin en faveur d’une des mesures phares adoptées par la BCE -le programme OMT de rachat de dette publique- devant la Cour constitutionnelle de son pays, face aux attaques d’eurosceptiques et de la banque centrale allemande, la Bundesbank (Buba), héraut de l’orthodoxie monétaire
A l’inverse de la Buba, qui estime que la BCE outrepasse avec ce programme l’interdiction qui lui est faite de financer directement les Etats, pour M. Asmussen qui, “en vrai politicien est très pragmatique, la doctrine ne compte plus” face à une crise qui menace l’existence même de la zone euro, souligne Sylvain Broyer, de Natixis.
Avant d’entrer à la BCE il y a deux ans, M. Asmussen avait occupé le poste de secrétaire d’Etat allemand aux Finances. Il va désormais rejoindre le ministère du Travail, comme secrétaire d’Etat de nouveau.
“Mario Draghi aurait sans aucun doute préféré qu’il reste”, estime Chris Weston, stratégiste d’IG, tandis que Frédérik Ducrozet, économiste de CA-CIB, estime que “si l’on ne peut pas le qualifier de colombe, son remplacement va sans doute entraîner un certain rééquilibrage au sein du conseil des gouverneurs de la BCE”, vers moins de souplesse en matière de politique monétaire.
Son successeur, une Allemande
Son successeur sera sans nul doute allemand car s’il n’y a pas de règle impliquant que l’Allemagne a un droit intangible à un poste au sein du directoire de la BCE, personne ne voit Berlin y renoncer. Et a priori cela sera plutôt une femme.
Trois noms circulent: Sabine Lautenschläger, vice-présidente de la Buba, Claudia Buch, une économiste qui conseille le gouvernement allemand, et Elke König, patronne de l’organe allemand de surveillance des marchés financiers, le Bafin. Parmi elles, Mme Lautenschläger a reçu lundi matin le soutien du ministre des Finances Wolfgang Schäuble qui a estimé que lui confier la succession de M. Asmussen serait “certainement une bonne idée”, sur la radio Deutschlandfunk.
D’autant qu’elle a “une très grande expérience” dans le domaine de la supervision bancaire, a-t-il souligné. Ce qui tombe bien: la BCE va prendre en charge à partir de novembre 2014 le rôle de superviseur de quelque 130 banques de la zone euro.
Le gouvernement allemand devrait rapidement proposer un nom. La question sera ensuite tranchée par le Conseil européen, après consultation du Parlement européen.
Le processus pourrait prendre plusieurs mois, laissant vacant un poste important pour la BCE puisque M. Asmussen est en charge de ses relations internationales. C’est lui qui la représente entre autres lors des réunions européennes ou au sein de la Troïka des créanciers des pays sous assistance financière.
Toutefois, s’il est normal de s’interroger sur les conséquences du départ de M. Asmussen sur la stratégie de communication de la BCE, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, estime Richard Barwell, de RBS: “Tout le monde, et à commencer Draghi, fait beaucoup d’efforts pour expliquer la stratégie de la BCE au public allemand”.
Autre point positif, souligne un banquier, M. Asmussen n’est pas parti en claquant la porte comme deux autres Allemands récemment: l’ancien chef économiste Jürgen Stark et l’ex-patron de la Buba Axel Weber. Il a évoqué des raisons personnelles -sa femme et ses deux jeunes enfants vivent à Berlin, loin de Francfort.
Membre du Parti social-démocrate allemand, ses ambitions politiques étaient également connues. Certains le voyaient toutefois, vu son parcours, plutôt ambitionner un poste de ministre que de secrétaire d’Etat.