Oh, rage. Oh, désespoir! Voilà ce que nous inspire l’étincelle qu’on croyait “ miraculeuse“. Oui, celle-là même qui a emporté Mohamed Bouazizi. Elle n’a pas insufflé la flamme d’un nouveau modèle économique. Au contraire, elle a même réduit l’ancien en cendres. De quels objectifs de la révolution on peut se prévaloir, si on ne relance pas l’économie?
Flash back sur cet épicentre lequel, pensait-on naïvement, allait nous conduire vers un palier supérieur. Nous rêvions d’une perspective économique de prospérité avec un horizon sans fin. Bouazizi s’est immolé par le feu pour réclamer le droit à vivre de son travail. On pensait que c’était le strike pour un “big- bang“ de croissance qui allait nous propulser vers l’économie du savoir où les plus démunis trouveraient, enfin, une place. Hélas, l’économie est toujours au tapis et elle ne répond plus à l’électrochoc du “Go and Stop“. Est-ce qu’on lui a fait prendre un autre chemin?
La disgrâce des agences de notation
L’année 2011 nous a ravagé notre potentiel au point de provoquer un certain désenchantement révolutionnaire. L’onde de choc est allée trop loin. Jamais l’économie n’a fait un plongeon à -1,8%. Suite à cela, quelques experts s’étaient gargarisés de l’espoir de redressement selon le tracé de la célèbre courbe en J et son rebond bienfaisant. L’ennui est qu’à la fin du premier trimestre 2012, S&P nous assénait un premier camouflet, nous déclassant d’un cran. Le gouvernement Jebali, pavoisait avec beaucoup d’assurance rappelant que ce malus concernait la gestion Ben Ali et que le pays était sur une pente de croissance de 4,5% et que le meilleur suivrait. On a fini l’année à 3,6%. S’en est suivie une polémique quant à savoir s’il fallait oui ou non le majorer ou la minorer du taux des -1,8% de l’année précédente. Querelle oiseuse qui n’a fait qu’amplifier depuis, marquant le déraillement du débat et la mise off-track de l’économie.
L’année 2013: La descente aux enfers
Le gouvernement, qui a changé de mains depuis, s’enfonce dans un autisme dont il ne semble pas revenir. Sa parole seule compte, envers et contre tous. Les agences de notation ne nous ont jamais caché le fond de leur pensée. En 2013, ils nous ont signifié, lors de la cascade des trois dégradations successives, record absolu dans le “looping“ de l’économie, la mention “perspective négative“. Et l’on se contentait de répéter, «c’est la faute à la crise politique qui s’est installée suite à la rafale d’assassinats politiques ainsi que du grippage institutionnel».
L’économie, par ailleurs, ne manque pas de vigueur. On a vu depuis, le dinar vriller à plus de 10% de sa valeur, l’investissement peiner à moins de 23% du PIB, l’épargne stagner à 16% du PIB, l’inflation persister à près de 6% et le chômage -en dépit d’un léger mieux en moyenne nationale à moins de 16%, exploser pour les diplômés du supérieur à 33%. Ne parlons pas des déficits qui explosent. Celui commercial est voisin de 10 milliards de dinars pour les 10 premiers mois et celui budgétaire, bien malin qui pourrait le comprimer.
Le raz-de-marée de l’informel
Il est vrai que la crise politique a fini par prendre l’économie en otage, mais ce n’est pas tout. La volonté de redresse l’économie se réfugie derrière le paravent des réformes. Or celles-ci ne produiront leurs effets qu’avec une certaine latence si tant est que le climat social permet leur application.
Dans l’intervalle, cependant, on nous a insidieusement inondés d’économie informelle. Et c’est bien ce que récusent conjointement UTICA et UGTT. Cet espace diffus n’assure pas de protection aux travailleurs et prive l’entreprise de son espace vital. L’économie organisée est de ce fait hors circuit.
Finalement la malédiction de Bouazizi nous poursuit? Au lieu d’avoir une économie du savoir, nous nous retrouvons avec une économie pour marchands ambulants. Oui, l’économie est la grosse perdante de ce 17 décembre. Et, elle n’est pas près de recouvrer la santé.