Pourquoi une entente ou un compromis n’arrivent pas à émerger depuis août dernier de ces pourparlers et palabres nommé «Dialogue national»? Est-ce que c’est vraiment difficile de trouver en Tunisie aujourd’hui une personnalité suffisamment indépendante et compétente pour diriger une 3ème transition qui devrait nous conduire vers des élections? Quels sont les dangers immédiats et à plus long terme de ce blocage institutionnel? La classe politique tunisienne n’est-elle pas en passe de démontrer son manque de maturité affligeant dans cette épreuve?
Plantons tout d’abord le décor de cette interminable guéguerre que se livrent ces politiciens devant les caméras et les micros et devant les attentes brulantes du pays …
Il y a tout d’abord la Troïka au pouvoir, représentée par Ennahdha, d’une part, et Ettakatol, d’autre part -le CPR ayant refusé sournoisement de participer sachant pertinemment que si ses partenaires signent il est tout de même engagé à moins qu’il ait le courage de claquer la porte.
De l’autre côté, il y a l’opposition, principalement Nidaa Tounes, le Front Populaire, Al Massar, Al Joumhouri, tous unis dans le Front du Salut avec plus au moins d’arrière-pensées sur lesquelles nous allons revenir!
Il y a également des outsiders notoires et importants comme l’Alliance Démocratique de Mohamed Hamdi, qui joue un rôle non négligeable puisqu’elle est supposée être à égale distance d’Ennahdha et de l’opposition démocratique. Sans oublier d’autres petits partis divers qui participent au Dialogue national mais dont le poids n’est pas aussi important que les ténors!
Si nous analysons politiquement ces protagonistes, nous nous trouvons devant un tableau qui reproduit les tendances majeures de la scène politique nationale depuis l’indépendance! À savoir les destouriens ou apparentés, les islamistes et la Gauche (marxiste, unioniste arabe ou socialiste)! Le trio est toujours là! Avec quelques changements certes et des variantes mais le trio est omniprésent! Ce sont bien les principales familles idéologiques qui ont irrigué la classe politique depuis l’indépendance du pays. Malgré les années difficiles du Parti destourien unique de Bourguiba et de Ben Ali, leur existence est permanente!
La question est de savoir comment tous ces leaders n’arrivent pas à dépasser leurs calculs partisans, bien compréhensibles dans une période normale mais inadmissibles quand il y va de la survie du pays.
Les peurs accumulées des uns et des autres jouent énormément. Ennahdha n’a aucune envie de voir son expérience de pouvoir se solder par cet échec dont le résultat est le renvoi de son gouvernement et la remise en cause de ce qu’elle a planté comme tentacules au sein de l’appareil d’Etat pour ne plus être déracinée comme Ben Ali a réussi à lui faire en 1990!
Le Front Populaire, conscient qu’il n’est pas en mesure d’imposer son programme politique, joue la méfiance totale de toute proposition d’Ennahdha ou apparentée! Il est même en conflit avec ses alliés au sein du Front du Salut comme pour le cas de Jalloul Ayed!
De son côté, Nidaa Tounes joue la discrétion et annonce qu’il accepte n’importe quel candidat de consensus! Pendant ce temps-là, Ettakatol et Al Joumhouri font ce qu’ils peuvent pour ne rien faire de sérieux à part le jonglage d’un pied sur l’autre!
Le pays a passé plus de 4 mois depuis l’assassinat de Mohamed Brahmi et on continue à palabrer! Ni les tenants de la majorité à l’ANC n’ont pu imposer une issue qui leur préserve leur position actuelle, ni l’opposition n’a pu mobiliser la rue efficacement pour déstabiliser le pouvoir et l’amener à la sortie. Le Quartet, avec toute la bonne volonté du monde, nous conduit de plus en plus profondément dans l’impasse, et les trouble-fêtes, comme le Mouvement Wafa, le Courant El Mahabba entre autres, se délectent !
Ainsi en est-il de l’expérience de la transition tunisienne qui est, de l’avis de tous les observateurs, la plus achevée dans le Printemps arabe et la plus apte à aller vers une démocratie naissante.
De quoi désespérer le plus optimiste!