Déception, amertume, stupéfaction, abattement, accablement et même effarement ont envahi la classe des experts économiques et celle des communautés d’affaires toutes catégories confondues suite à l’annonce de l’information indiquant que le gouvernement tunisien a prié Standard and Poor’s de retirer sa notation de l’agence de rating la plus prestigieuse. Celle que l’on prétend axée sur les critères politiques beaucoup plus que ceux économiques contrairement à Moody’s qui note aussi bien le politique que l’économique.
Le gouvernement tunisien, lui, nie à son habitude: «Nous n’y sommes pour rien», dixit Elyès Fakhfakh, ministre actuel des Finances. Apparemment il n’est pas au courant du retrait des notes de la Tunisie par Standard & Poor’s. Tout comme Ali Laârayedh et Ridha Saïdi. Non, mais je rêve!
Quant à la BCT, motus et bouche cousue, toutes nos tentatives pour avoir une déclaration auprès de l’un de ses représentants n’ont abouti à rien.
Normalement le rating se fait via la BCT et les départements de l’Etat tels que les Finances, le Développement et les organes de gouvernance. L’aspect politique relève des prérogatives du chef du gouvernement, donc peut-il ne pas être au courant? «Quand on est incompétent, on l’est pour toujours, assure un expert économique et financier d’envergure. En agissant ainsi, le gouvernement résout le problème de la notation souveraine de la Tunisie de façon radicale, mais il oublie que le fond du problème reste et que la situation ne va pas s’améliorer pour autant. Car la Tunisie a fermé définitivement les portes du marché financier international».
Standard an Poor’s est de loin l’agence de notation la plus influente au monde qui oriente les marchés, alors que les agences Moody’s et Fitch Ratings ne pèsent pas lourd par rapport à elle. «Le gouvernement s’est fait avoir doublement. La demande a été présentée depuis le début de l’année 2013, parce que c’est Standard and Poor’s qui a été la première à dégringoler la note de la Tunisie plus rapidement que les autres agences, en la baissant de 6 crans jusqu’au début de l’année 2013. La Tunisie est devenue mieux notée par Moody’s, l’autre agence américaine. Malheureusement pour ce gouvernement qui semble ne pas savoir que les notations d’agence convergent toujours à terme, Moody’s a baissé la note de la Tunisie durant 2013 à trois reprises et s’aligne quasiment sur le rating de S and P».
Aujourd’hui, notre gouvernement si éclairé compterait-il demander à cette dernière agence de ne plus noter la Tunisie? A quoi aurait servi le bras de fer avec Standard and Poor’s dans ce cas?
L’incompétence gouvernementale va dans tous les sens désormais, conjuguée à l’absence de garde-fous institutionnels et même à une attitude lâche de la part de certains décideurs économiques publics des ministères économiques ou de la BCT. Le jeu éternel du renvoi de la balle se rejetant les responsabilités les uns sur les autres a repris de plus belle dans les arcanes de notre belle administration publique.
Standard and Poor’s, pour laquelle la décision du gouvernement tunisien compte pour du beurre, a osé en 2011, «sur fond de tensions entre républicains et les démocrates, et dans l’incapacité de sortir d’un blocage financier, émettre l’hypothèse d’un abaissement de la notation des États-Unis qui possèdent des dettes publiques d’environ 98% de leur PIB (avril 2011), ce qui en fait un des pays les plus endettés au monde».
Elle a fini quand même par le faire en revoyant à la baisse la note attribuée à la dette publique à long terme des États-Unis de «AAA», au niveau immédiatement inférieur («AA+»), ce qui n’était pas arrivé à ce pays depuis 1917.
Pour les Tunisiens, ce retrait de notation est un grand affront, un aveu d’échec et l’annonce d’une incapacité à relancer la dynamique économique du pays.