Japon : la première année des “Abenomics” a ravi la Bourse

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à Tokyo le 21 décembre 2013 (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[22/12/2013 11:34:48] Tokyo (AFP) “Abenomics”: ce néologisme symbolise la première année de pouvoir du Premier ministre japonais Shinzo Abe. Cette politique de relance a ravi les marchés mais il lui reste le plus dur: ne pas mécontenter les classes moyennes aux revenus stagnants.

La partie la plus facile semble terminée pour le dirigeant conservateur, revenu au pouvoir le 26 décembre 2012 après la victoire de son Parti Libéral-Démocrate aux élections législatives.

Rompant avec les velléités de rigueur de son prédécesseur centriste, M. Abe a engagé l’équivalent de 70 milliards d’euros de nouvelles dépenses publiques pour soutenir notamment le secteur de la construction, avant de promettre récemment 40 milliards supplémentaires.

Il a aussi désigné un homme sûr, Haruhiko Kuroda, à la tête de la Banque du Japon (BoJ) au printemps pour assouplir la politique monétaire. Depuis lors, la BoJ inonde les marchés de liquidité en élevant son stock d’obligations d’Etat de 50.000 milliards de yens en rythme annuel (350 milliards d’euros).

Objectif: inciter les entreprises et les particuliers à emprunter pour investir et consommer, doper l’activité et in fine faire remonter les prix de 2% par an pour sortir de cette maudite déflation qui, depuis 15 ans, contribue au marasme.

Résultat: la Bourse de Tokyo s’est envolée de 50% en un an, le yen jugé surévalué s’est déprécié d’un quart au grand bonheur des exportateurs et la consommation des ménages a rebondi. La troisième puissance économique mondiale a affiché aux premier et deuxième trimestres 2013 une croissance de 1,1% puis 0,9%, à faire pâlir d’envie l’Europe engluée dans l’austérité et la récession.

“Les Abenomics méritent clairement d’être salués. Ils ont permis d’améliorer l’état d’esprit des investisseurs et des consommateurs, avec des répercussions positives sur l’économie réelle”, estime Ivan Tselichtchev, professeur d’économie à l’Université de gestion de Niigata.

Pour lui comme pour de nombreux autres analystes, les deux premières “flèches” des Abenomics (dépenses budgétaires, politique monétaire ultra-accommodante) ont provoqué un choc psychologique salutaire.

Fuite en avant ?

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à Tokyo le 14 décembre 2013 (Photo : Kazuhiro Nogi)

Mais M. Tselichtchev prévient que M. Abe doit maintenant décocher son troisième trait, les “réformes structurelles”. “Cela comprend entre autres des dérégulations, un renforcement de la concurrence dans les secteurs agricole et tertiaire, et un soutien aux efforts d’innovation des PME pour doper la compétitivité des exportations”, énumère-t-il.

Le chef du gouvernement envisage en particulier d’assouplir le marché du travail et a lancé deux négociations de libre-échange, avec les Etats-Unis dans le cadre du partenariat trans-Pacifique (TPP) et avec l’Union européenne.

Après un état de grâce de presque un an, les milieux d’affaires montrent quelques signes d’impatience et, à l’aube de sa deuxième année au pouvoir, les choses pourraient être d’autant plus compliquées pour M. Abe qu’il baisse dans les sondages: sa cote de popularité vient de chuter de 10 points, juste sous les 50%, après le passage en force d’une loi de “protection des secrets d’Etat” qu’il a exigée.

Les classes populaires et moyennes sont mises à l’épreuve, leurs revenus pris en étau entre une hausse de 3% de la taxe sur la consommation en avril et la montée des tarifs de l’électricité, provoquée par une flambée du coût des hydrocarbures importés sur fond de yen déprécié.

“Tout cela réduit les revenus réels des salariés: les travailleurs sont plus pauvres”, dénonce l’économiste Yukio Noguchi, de l’Université Hitotsubashi.

Comme le patronat reste jusqu’à présent quasi sourd aux appels du gouvernement à relever les salaires, la consommation des ménages s’essouffle et au troisième trimestre, la croissance du produit intérieur brut (PIB) a ralenti, à 0,3%.

De surcroît, M. Abe ne pourra s’en remettre éternellement à la dépense publique, au moment où le Japon endetté à quelque 250% de son PIB subit la pression des organisations internationales (FMI, OCDE) pour mettre de l’ordre dans ses comptes.

“Les projets du gouvernement pour consolider les finances publiques sont peu clairs”, pointe l’agence de notation Standard & Poor’s, alors que plus de 40% du budget de l’Etat est financé par de nouveaux emprunts.

Des observateurs tablent en conséquence sur un nouvel assouplissement monétaire de la BoJ en 2014 pour encourager la relance, au risque de nourrir une bulle financière et les accusations de fuite en avant.