ée de Safran travaille sur des composants électroniques à Fougères le 16 décembre 2013 (Photo : Frank Perry) |
[22/12/2013 15:34:55] Fougères (France) (AFP) Avec cinq reconversions en 40 ans – du télex aux cartes électroniques pour les avions en passant par les téléphones mobiles – l’usine du groupe Safran à Fougères (Ille-et-Vilaine) cultive l’art du changement, en misant sur la formation professionnelle et l’implication des salariés.
Un petit musée, dès l’entrée du site, en résume l’histoire : de vieux téléscripteurs mécaniques à bandes perforées y côtoient des télécopieurs, des décodeurs Canal Plus, des tableaux de bord automobile. Une multitude de téléphones portables – vestiges de la décennie 1997-2007 où 100 millions d’appareils sont sortis des chaînes – voisinent avec des cartes électroniques, qui témoignent du récent virage de l’usine vers la haute technologie.
Lorsqu’en 2007 Safran abandonne la téléphonie mobile, il décide de conserver la vaste usine de Fougères. “Son savoir-faire reconnu et sa culture d’entreprise axée sur l’amélioration continue” ont convaincu le patron du groupe, Jean-Paul Herteman, “qui s’est dit qu’il fallait l’aider”, explique Yves Riollet, directeur industriel du site.
à Fougères le 16 décembre 2013 (Photo : Frank Perry) |
L’objectif est ambitieux: reconvertir l’usine et ses quelque 700 salariés, essentiellement des femmes dont la majorité n’a pas le bac, à la fabrication de cartes électroniques pour la défense et l’aéronautique, des produits à forte valeur ajoutée qui équipent les instruments de communication de fantassins ou les systèmes de freinage d’avions.
“Quand il y a un accident d’avion, l’enquête remonte jusqu’à la responsabilité initiale: on est responsable pénalement en cas de pépin”, commente Yves Riollet. “Ce n’est pas la même chose qu’un téléphone qui tombe par terre… c’est très responsabilisant pour les salariés”.
Outre 10 millions d’euros pour financer de nouvelles structures industrielles, un important programme de formation est lancé. “Plus de 2 millions d’euros en deux ans ont été investis” entre 2009 et 2011, affirme Patrice Pérodeau, directeur d’établissement. Plus de 70.000 heures de formations (soudure, câblage, peinture…), sont dispensées, ainsi que 45.000 heures de tutorat dans d’autres sites du groupe. “Il n’y a eu aucun départ forcé ni plan de licenciement”, insiste M. Riollet.
“Gros coup de blues”
à Fougères le 16 décembre 2013 (Photo : Frank Perry) |
“L’entreprise a la responsabilité de maintenir les salariés à un bon niveau d’employabilité”, explique Patrice Pérodeau, en reconnaissant que la rentabilité retrouvée de l’usine doit aussi “à la chance d’être dans un groupe en croissance”.
Les formations qualifiantes ont ainsi été privilégiées, selon la direction, aboutissant à la délivrance de plus de 200 certificats de qualification paritaire de la métallurgie (CQPM), des diplômes reconnus dans toute la branche.
Les titulaires de la “promo CQPM 2009-2011” posent d’ailleurs en blouse blanche sur une immense photo dans le hall de l’usine. Parmi eux, Karine Vacher, 39 ans, entrée en 1997 sur les lignes de fax, et désormais coordonnatrice des tests sur les cartes électroniques.
à Fougères, Patrice Pérodeau, et le directeur industriel Yves Riollet, le 16 décembre 2013 (Photo : Frank Perry) |
En 2007, “on était tous sur le même bateau : pour éviter de couler, il fallait avancer”, témoigne-t-elle. Mère de deux enfants de 9 et 7 ans à l’époque, elle n’hésite pas à suivre une formation d’un an, à raison de deux ou trois jours par semaine, à Montluçon (Allier), à 500 kilomètres, pour apprendre son nouveau métier où elle assure avoir “tout gagné”.
Pour les enfants, “ce n”était plus le bisou du soir mais un coup de téléphone”, raconte-t-elle. A Montluçon, où les salariés se rendaient en minibus affrété par Safran, “on n’était que des mamans”, renchérit Vanina Guillaume, qui a suivi huit mois de formation. “Des fois, c’était le gros coup de blues”.
Clé du succès, l’accent sur la formation s’est doublé d’un long travail de responsabilisation des salariés dans la mutation de leur usine.
“La démarche, c’était de rendre acteurs les salariés”, qui devaient eux-mêmes postuler sur les nouveaux métiers, explique Yves Riollet, en soulignant un “terreau favorable”, avec “des gens bosseurs, pragmatiques et des partenaires sociaux constructifs”.
Un credo de l’implication très prégnant dans l’usine où de nombreuses affiches vantent, au détour d’un couloir ou sur les murs des ateliers, “l’esprit d’innovation”, “l’esprit d’équipe”, et incitant les salariés à “oser innover”.