15.000 postes d’ouvriers à pourvoir, près de 5.000 destinés aux diplômés universitaires.
Ce n’est pas de la démagogie et il ne s’agit pas non plus d’un projet imaginaire ou populiste pour tout juste se repositionner dans un espace public devenu aujourd’hui écologique, social et rentable, le projet idéal et, encore une fois, il n’a aucune dimension utopique et est des plus réalistes qui soient. Son initiateur est Moncef Barcous qui intègre un nouveau créneau dans le secteur des textiles: celui du recyclage.
Il s’agit en fait de récupérer les vêtements en bon état, de les remettre à l’ère du temps grâce à des designers ou de simples couturiers et de les revendre, remballés, à bas prix dans des boutiques spécialisées sises dans les quartiers défavorisés de toutes les régions de la Tunisie.
Nombre de grandes entreprises l’ont fait en partenariat avec des composantes de la société civile, telles les fondations, les associations ou autres. Les textiles qui ne peuvent plus être portés sont recyclés en chiffons d’essuyage ou encore sont transformés pour l’industrie ou fabrication de l’isolant métisse, un isolant écologique.
De grands noms de par le monde le font, à l’instar d’Emmaüs, Ding Fring ou encore «Vestiboutiques» de la Croix Rouge.
Dans une étude préliminaire réalisée par Moncef Barcous, la valeur totale annuelle de la dépense d’habillement en Tunisie est estimée à plus de 3,11 milliards de dinars. 30% des vêtements jetés par les ménages ou offerts sont en moyenne en bon état et peuvent être écoulés sur le marché intérieur ou destinés à l’exportation en Afrique et en Asie. «En lançant un projet pareil en Tunisie, nous offrons aux vêtements usagers et en bon état une deuxième vie et aux classes défavorisées les moyens de s’habiller décemment aux moindres frais. Il revêt aussi un caractère social et environnementale et touche différentes activités économiques (commerce, industrie, exportation) et offre un bon réservoir d’emplois. Grâce à ce genre de projet, nous pouvons gagner au moins 1 milliard de dinars grâce aux 120 millions de pièces par an écoulées sur les différents marchés. Et je parle du minimum de gains que l’on peut réaliser, les performances peuvent être beaucoup plus importantes».
Et M. Barcous d’ajouter: «Le nombre d’habitants du Grand Tunis a atteint les trois millions. Imaginez ce que nous pouvons faire des vêtements récupérés et surtout ceux des enfants. Les objectifs de collecte peuvent atteindre, pour la Tunisie la valeur de près de 1,25 milliard de dinars pour un taux de collecte de 40%».
Une moyenne de 20% des habits usagés peut être collectée en Tunisie, soit 30.000 tonnes. Sans oublier les résidents à l’étranger, lesquels peuvent être d’un grand apport en matière de collecte et de récupération des vêtements.
Pour le travail de terrain, des associations implantées sur tout le territoire national pourraient assurer la collecte et le tri des vêtements auprès des habitants. Pour ce faire, elles auront besoin d’employer des ouvriers et même réinsérer des chômeurs de longue durée dans le monde du travail.
Les diplômés du supérieur pourraient assurer des tâches telles la commercialisation ou -pour ceux qui ont étudié le design-, procéder à rendre les vêtements plus attrayants dans leur deuxième vie. «Il suffit de changer le col d’une chemise, d’ajouter une broche à un pull ou encore une petite poche à un pantalon pour que les vêtements reparaissent sous un nouveau jour et soient remis au goût du jour», explique Moncef Barcous.
Des formations spécialisées pourraient être dispensées à des couturières ou à des ouvriers. D’après l’étude réalisée par Moncef Barcous et comme cité plus haut, «le nombre total d’emploi, publics et privés, pouvant être créé est évalué à environ 20.000 répartis de la façon suivante: valeur moyenne de la collecte prévisionnelle d’habillement en millions de dinars (MDT) par région; la valeur moyenne totale de la collecte prévisionnelle pour la Tunisie est estimée à 623 MDT. Les objectifs de collecte peuvent atteindre, pour la Tunisie, la valeur de 1,25 milliard de dinars pour un taux de collecte de 40%». Mais il s’agit de plus important: réduire l’impact de la nouvelle production textile sur l’environnement ainsi que la consommation d’énergie.
Moncef Barcous est peut-être l’un des dinosaures de l’industrie textile en Tunisie, mais il ne perd pas le Nord et loin de se plaindre dans son petit coin du changement de la conjoncture et du marasme économique, il réfléchit et se projette dans un avenir proche dont les enjeux sont importants pour nous. Pareil projet pourrait œuvrer à pérenniser une filière fragilisée par la baisse de la qualité des produits textiles et répondre à la demande de catégories socioprofessionnelles vulnérables: «Pourquoi se complaire dans les atermoiements alors qu’en tant qu’opérateurs privés, nous pouvons être plus agissants sur la scène économique, chacun dans son domaine?»
Eh oui, à cœur vaillant, rien n’est impossible!