étudiante de 24 ans, le 12 décembre 2013 à Bucarest (Photo : Daniel Mihailescu) |
[31/12/2013 07:17:58] Sofia (AFP) “Je ne partirai pas à l’Ouest pour y servir de bouc émissaire”: Gueorgui Dintchev, informaticien bulgare, n’a pas l’intention d’émigrer après la levée au 1er janvier des dernières restrictions sur le marché du travail en Europe pour les Roumains et Bulgares.
Employé par une entreprise étrangère à Sofia, ce trentenaire ne rêve pas d’une Europe de l’Ouest où, comme l’a récemment estimé le chef de la diplomatie bulgare Kristian Viguenin, “les humeurs xénophobes ont pris pour cible les Bulgares et les Roumains”.
Même si “la corruption est éc?urante, si l’éducation est loin d’encourager la pensée indépendante et si la santé publique est délabrée”, ce participant actif aux protestations antigouvernementales juge important de rester en Bulgarie “pour faire pression sur la classe politique”.
Comme lui, de nombreux Roumains disent ne pas envisager de départ quand le marché du travail s’ouvrira dans les neuf pays imposant encore des restrictions dont la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.
“Faire une spécialisation à l’étranger oui, mais y travailler non. Surtout quand on voit la discrimination contre les Roumains en France et dans d’autres pays”, confie un groupe de trois étudiantes en informatique, Simina, Florentina et Maria à la sortie de la faculté à Bucarest.
“Les flux se font en fonction de la demande sur le marché du travail. Ceux qui pouvaient partir sont déjà partis”, explique Adriana Iorga, directrice de l’agence pour l’emploi de Giurgiu, une ville pauvre du sud du pays.
est de Sofia (Photo : Nikolay Doychinov) |
Un avis partagé par Mila Mantcheva, analyste au Centre d’étude de la démocratie basé à Sofia. “Les plus grandes vagues d’émigration ont eu lieu après la chute du communisme en 1989, puis à la levée du régime des visas en 2001 (…) Une troisième vague a précédé l’adhésion de la Bulgarie et la Roumanie à l’UE en 2007”, explique-t-elle.
Près de trois millions de Roumains et 1 million de Bulgares ont déjà migré, selon différentes estimations, la majorité en Italie et en Espagne (construction, agriculture, soins aux personnes âgées…). France et Grande-Bretagne ont aussi recruté médecins et infirmières, les Etats-Unis des informaticiens.
“L’ouverture actuelle du marché du travail génèrera une migration nettement plus faible”, juge Mme Mantcheva.
“Je ne veux prendre le pain de personne”
La Bulgare Petia Kotcheva, 24 ans, attend toutefois avec impatience le 1er janvier pour travailler comme serveuse dans une discothèque d’Amsterdam.
Elle a renoncé à ses études en Bulgarie car “cela ne sert à rien d’obtenir un diplôme qui conduit au chômage ou à un travail payé 450 leva” (230 EUR) par mois.”
Elle préfère “exercer un travail moins prestigieux” s’il permet “un niveau de vie acceptable dans un pays prévisible”.
est de Sofia (Photo : Nikolay Doychinov) |
“Je n’envisageais pas de quitter la Bulgarie avant la naissance de mes deux enfants. Maintenant, je cherche un emploi en Europe centrale (…) pour donner de meilleures perspectives à mes filles”, témoigne Daniel Peytchev, 37 ans, politologue bulgare reconverti en vendeur de produits informatiques.
Selon un sondage récent de l’institut Alpha research, quelque 3-4% des Bulgares majeurs, soit 200.000 personnes, dont 70% de moins de 30 ans et 74% de formation secondaire et supérieure, pourraient migrer dans l’UE après l’ouverture totale du marché.
Les problèmes que posera cette migration sont plus importants pour la Bulgarie que pour les pays d’accueil, “car le pays perdra des jeunes bien formés”, déplore Boriana Dimitrova, directrice de l’institut.
Pour les Bulgares, les destinations préférées sont actuellement l’Allemagne (43%) et le Royaume Uni (34%). Les Roumains préfèrent les pays latins.
En Bulgarie, 78% des émigrants potentiels désirent travailler, 13% étudier et 0,5% seulement visent les aides sociales, selon l’institut AFIS.
Le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé fin novembre un durcissement des règles d’attribution des aides sociales aux nouveaux arrivants, provoquant la colère de Sofia et de Bucarest.
“Je veux travailler”, plaide le mécanicien roumain Marian Arabagila, 44 ans, qui envisage de partir. “Je ne veux prendre le pain de personne, au contraire, je veux contribuer à produire pour soutenir l’économie du pays où je serai”.