ût 2013 (Photo : Ozan Kose) |
[02/01/2014 18:07:44] Ankara (AFP) L’armée turque s’est invitée dans le scandale politico-financier qui éclabousse le Premier ministre Erdogan en exigeant un nouveau procès pour des centaines d’officiers condamnés pour complot contre le régime, sur fond de bras de fer entre le gouvernement et la justice.
Selon les médias turcs, l’état-major a déposé le 27 décembre une plainte auprès du bureau du procureur d’Ankara pour dénoncer les preuves utilisées lors de deux récentes affaires judiciaires qui ont envoyé de nombreux militaires derrière les barreaux.
“Des officiers de police judiciaire, des procureurs et des juges impliqués dans ces affaires dans lesquelles des officiers d’active et à la retraite des forces armées turques ont été jugés, ont ignoré les requêtes de la défense et manipulé des preuves”, indique le texte de cette plainte cité par le quotidien Hürriyet sur son site Internet.
Comme l’ont immédiatement relevé les mêmes médias, cette plainte intervient quelques jours après que l’un des proches conseillers du Premier ministre, Yalcin Akdogan, a suggéré que ceux qui ont ainsi comploté contre l’armée seraient les mêmes que ceux que le gouvernement accuse d’être à l’origine du scandale qui le menace.
Depuis le spectaculaire coup de filet anticorruption du 17 décembre, M. Erdogan dénonce une “conspiration” ou une “tentative d’assassinat” menée par un “Etat dans l’Etat” ou un “gang” impliquant policiers et magistrats.
Il vise sans la nommer la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influente dans la police et la magistrature.
Longtemps son alliée, cette organisation est récemment entrée en guerre contre le gouvernement, qui veut supprimer les écoles de soutien scolaire privées qui constituent une manne financière pour le mouvement Gülen.
ée turque, le général Ilker Basbug, photographié le 14 novembre 2008 à Istanbul (Photo : Mustafa Ozer) |
Il y a quelques jours, un député du Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, avait lui aussi évoqué la possibilité d’une réforme permettant de rejuger les militaires condamnés dans ces deux affaires.
Dans la première, dite “Ergenekon”, un tribunal a prononcé en août dernier de lourdes peines de prison contre 275 accusés, dont l’ancien chef d’état-major de l’armée turque, le général Ilker Basbug, condamné à la prison à vie, pour avoir tenté de renverser le gouvernement islamo-conservateur en 2008.
Bras de fer
En août 2012, le même tribunal de Silivri, dans la banlieue d’Istanbul, avait condamné plus de 300 militaires, dont des généraux, a des peines de 13 à 20 ans de réclusion pour une autre tentative de complot baptisé “marteau pilon” contre M. Erdogan, en 2003 cette fois.
Ces condamnations, dénoncée comme une “chasse aux sorcières” par l’opposition, ont permis à M. Erdogan de réduire l’influence politique de l’armée qui, depuis 1960, avait mené trois coups d’Etat et forcé un gouvernement d’inspiration islamiste à la démission.
La semaine dernière, les forces armées turques (TSK) avaient publié une déclaration pour assurer qu’elles “ne veulent pas être impliquées dans les débats politiques” en cours.
Cette nouvelle mise en cause des juges par l’armée survient alors que le gouvernement tente de reprendre le contrôle de l’institution judiciaire, qu’il accuse d’être noyautée par l’organisation Gülen, après des purges sans précédent dans la police.
Ankara, le 2 septembre 2013 (Photo : Adem Altan) |
Ce duel inédit se déroule sur la place publique, plusieurs importantes institutions judiciaires telles que le Haut-conseil des juges et des magistrats ayant mis en cause dans des communiqués les “pressions” du pouvoir pour tenter d’étouffer l’affaire en cours.
Ce dossier a déjà conduit à l’incarcération d’une vingtaine de personnalités proches du pouvoir et causé la démission de trois ministres et un remaniement gouvernemental de grande ampleur, à la veille des élections municipales de mars et présidentielle d’août cruciales pour l’avenir politique de M. Erdogan.
Malgré les assurances du gouvernement, la crise qui fait tanguer le sommet de l’Etat turc a continué jeudi à faire sentir ses effets sur les marchés financiers et inquiète sérieusement les milieux économiques.
Après un rebond lundi, la monnaie turque et la bourse d’Istanbul ont continué leur dégringolade. La livre (TL) s’échangeait jeudi à la clôture des marchés à 2,1739 TL pour un dollar, après avoir atteint le niveau record de plus de 2,18 TL pour un dollar en journée, et le principal indice de la bourse d’Istanbul a fini la séance sur une baisse de 1,20 %.