Le patron de 3C Etudes a décidé de mettre fin à son baromètre politique lancé il y a exactement deux ans. Explications.
Lundi 6 janvier 2014 restera à jamais gravée dans la mémoire de Hichem Guerfali, pour le meilleur ou –seul l’avenir le dira- pour le pire. Ce jour-là le directeur de 3C Etudes, le cabinet de sondages et d’études marketing, actif à la fois en France et en Tunisie, a surpris les journalistes venus recueillir les résultats de la vingt-quatrième vague du baromètre politique lancé deux ans plus tôt, autant par les révélations de ce «thermomètre» de la Tunisie post-Ben Ali, que par l’annonce qu’il allait mettre fin à cet exercice auquel les médias locaux et le monde politique ont fini par s’habituer et prendre goût.
La vingt-quatrième vague du baromètre politique mensuel de 3C Etudes sera donc la dernière. Pour deux raisons. D’abord, parce que cet exercice fort coûteux –de 15 à 20.000 dinars l’opération, soit une facture d’au moins 360.000 dinars en deux ans- financé par ce cabinet sur ses propres moyens. 3C Etudes ne révélait qu’une partie infime des résultats de ses sondages et tablait au début sur la vente de la partie –secrète- la plus croustillante et, pour eux, la plus utile, aux partis politiques et autres acteurs publics et privés de la société. Ce qui aurait permis au cabinet de connaître à faire œuvre utile tout en gagnant un peu d’argent ou, à tout le moins, en évitant d’en perdre.
Or, en deux ans, et à l’exception de deux commandes du Front Démocratique pour les Libertés et le Travail (FDLT, Ettakatol) et du Parti Démocratique pour le Progrès (PDP), Hichem Guerfali n’a jamais pu vendre son «bébé» et n’a de ce fait pas gagné le moindre millime grâce au baromètre politique. Alors qu’il savait, par ailleurs –premier motif de son immense frustration- que les états-majors politiques qui ont fini par réaliser l’utilité du baromètre politique de 3C Etudes –et apprécier sa «consommation» gratuite- n’hésitaient à investir «des centaines de milliers de dinars» pour charger des cabinets étrangers de leur réaliser des sondages à la crédibilité douteuse, selon le patron du cabinet tuniso-français.
Le deuxième motif de la frustration de Hichem Guerfali est «le manque de reconnaissance» pour le travail accompli. Ce diplômé du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM, France) et de l’Université Denis Diderot (Paris VII)/University Paris VII –passé par la suite notamment par Schlumberger, Poulina et Tunisiana- avait au début –et l’a toujours- des objectifs très ambitieux et nobles: «servir de référence dans notre secteur d’activité et contribuer à rehausser l’image de la Tunisie en offrant des études marketing, média, sociales et d’opinion (politiques) de la meilleure qualité technique et éthique possible en Tunisie, en France et au niveau international et aider par des sondages de la meilleure qualité possible, la démocratie tunisienne à s’émanciper», ainsi qu’il écrit sur son profil LinkedIn.
En effet, le patron de 3C Etudes pense –et n’a pas eu de cesse de le crier depuis le lancement de son baromètre politique en janvier 2012- que la pratique des sondages en Tunisie est en total décalage par rapport –pour ne pas dire en violation- des normes de la profession telle que pratiquée sur le plan international. A telle enseigne qu’il est convaincu que les sondeurs tunisiens sont pour beaucoup dans la crise actuelle que vit le pays. Dans la mesure où en donnant aux acteurs politiques une fausse idée de leur poids réel –Hichem Guerfali aime à rappeler qu’alors que les autres prédisaient au PDP de Mohamed Néjib Chebbi- le deuxième meilleur score après celui d’Ennahdha, lors des élections du 23 octobre 2011, il a été le seul à dire qu’il obtiendrait moins de dix pour cent (en fait 7,4% et en 5ème position-, les sondeurs les ont poussés à adopter des stratégies et des politiques qu’ils n’auraient peut-être pas adoptées s’ils avaient eu connaissance de leur influence réelle dans la société.
Donc de guerre lasse, et parce que ses appels réitérés –aux médias et aux acteurs politiques et sociaux en général- à apprendre à distinguer le bon grain de l’ivraie parmi les sondeurs et –aux pouvoirs publics- à adopter une législation pour organiser et contrôler les instituts de sondage, n’ont pas été à ce jour entendus, Hichem Guerfali a décidé de tirer sa révérence.