Là où notre ministère argentier découvre que la fiscalité est une arme à double tranchant. A trop s’en servir pour “saigner“ le contribuable, elle peut se retourner.
Ce doit être inscrit dans le ciel, que dans l’histoire sociale de la Tunisie, l’hiver est parfois, chaud, chaud… jusqu’à la contestation populaire extrême. On en a senti quelques prémisses, et on souhaite qu’on saura les enrayer, en prenant le pouls technique de la loi de finances pour 2014 à l’IACE ce mardi 7 courant, rendez-vous annuel et périodique, régulièrement entretenu par l’Institut.
On en ressort avec une impression regrettable. “Le budget 14“, comme le désignera mi-railleur, mi-amer, Rached Fourati, président d’honneur de l’OECT, est aussi détonant que le carbone qui porte le même numéro. Il mettrait la pression fiscale si haute que la communauté des contribuables risque de convulser, entraînant le pays avec elle.
Des franchissements de fiscalité ont été faits au déni d’un élément de base, à savoir que le contribuable n’est pas fiscalisable à merci. L’appétit de l’Etat pour l’impôt doit avoir ses limites.
Une loi de finances, pas comme les autres
Dans son speech introductif, Rached Fourati, homme de science, grand serviteur de la doctrine comptable, au demeurant mesuré et pondéré, n’a pas manqué de dire en substance et en y mettant ce qu’il faut de retenue que le budget 14, de mémoire de fiscaliste, est le budget qui a été le plus discuté, de l’histoire de la Tunisie indépendante. Et de s’interroger, avec ce qu’il faut de doigté, si l’Etat y a prêté l’ouïe. Que n’a-t-on tenu compte des réserves qui ont émané du bon peuple, des experts et enfin de l’ensemble de l’opinion publique. N’est-ce pas, par cette interrogation non dite que Rached Fourati laisse entendre que le budget 14 soit allé trop loin?
L’ennui est que ce budget subit le contrecoup de choix économiques qui ont été lourds de conséquence comme l’a démontré Fayçal Derbal en disséquant l’évolution des finances publiques depuis la révolution.
Sur quinze indicateurs économiques fondamentaux, on arrive à en sauver deux seulement, à savoir le taux de chômage qui va de 19% en 2011 à 17% en 2012, puis 16% en 2013. Il est suivi du ratio de couverture des réserves de change. Les treize autres, qu’il s’agisse du taux de couverture du budget par les ressources propres, du taux de change, de celui de la dette, tous se dégradent. C’est surréaliste, on a le sentiment de vivre l’ambiance de la pièce d’Eugène Ionesco “Le roi se meurt“. Alentour, tout se lézarde, tout se fissure. Le climat d’affaires craquèle et les finances publiques geignent de toutes parts.
Des responsables qui argumentent
Ce fut autour de Habiba Louati, DG des études et de la législation fiscale, et à Noureddine Friaa, chef de l’Unité nationale et des enquêtes fiscales à la DGI (Direction générale des impôts) d’intervenir.
Usant de pédagogie, Mme Louati, qui a pourtant sorti son grand jeu, la virtuose de la législation, n’a pas pu retourner l’auditoire qui campait sur une contestation courtoise mais ferme d’un certain nombre de franchissements de la LF de 2014 dont la taxation des non résidents.
A cet égard, ce n’est pas tant la taxation qui gêne mais l’entrée sous le toit du contrôle fiscal qui rompait le charme.
M. Friaa, en rappelant que le budget de l’Etat a su faire évoluer la fiscalité de près de 70% en 3 ans, passant de 10 à 16,6 MDT, n’a pas davantage séduit l’assistance. Ils ont ramé. Ils ont été continuellement en posture d’argumenter. En permanence, ils étaient sur la défensive.
Ce que les experts du département des Finances ont oublié c’est que sur les trois dernières années, le peuple a gagné le droit au débat contradictoire. Il a vu que l’Etat ne sait pas optimiser ses ressources.
Dans son intervention, Fayçal Derbal a bien démontré que la politique du Go n’a pas servi la relance économique. En effet, le taux de croissance de 2013 comportait 2,5%, seulement, de croissance marchande et 1,1% de part de croissance du secteur non marchand, c’est-à-dire que le budget est augmenté de l’enveloppe des salaires des fonctionnaires. Terrible observation qui sonne comme un verdict. L’Etat ne ferait donc pas bon usage de ses ressources.
Les impôts nouveaux pourraient de ce fait présager d’un nouveau gâchis? Le conférencier n’a pas eu à formuler la question tant elle taraude les esprits. Et le banco fiscal du budget 14 pourrait s’exposer à des ratés. La doctrine fiscale dit que trop d’impôt tue l’impôt, on devrait dire au mieux tuerait l’impôt et au pire provoque la fureur des contribuables. Il est vrai que le contribuable est “sujet fiscal“, mais il n’est pas “assujetti“ à l’infini.