Les observateurs de l’économie tunisienne sont unanimes pour avancer que l’année 2014 sera plus difficile que l’année précédente. Le budget général de l’Etat pour cet exercice annonce la couleur et augure de manière claire de la précarité à laquelle les Tunisiens, particulièrement les plus démunis et ceux de la classe moyenne, seront confrontés.
En gros, les Tunisiens auront à se serrer la ceinture et à dépenser moins.
Ainsi, le budget de 2014 sabre de manière drastique dans les dépenses. Il prévoit, entre autres, la réduction de 5% des dépenses de gestion par rapport à 2013, la non- programmation de nouveaux recrutements à l’exception de ceux des promus des écoles de formation professionnelle, le gel des salaires, la non planification d’aucun nouvel investissement public, une baisse de 20% du budget de développement…
Ces réductions touchent les trois principales sources de croissance: consommation, investissement et exportations.
Concernant la consommation, Mustapha Kamel Nabli, ancien ministre et ancien gouverneur de la BCT, fait remarquer que ce facteur a été utilisé, depuis la révolution, pour booster la croissance et maintenir en état d’activité acceptable l’économie du pays.
Néanmoins, il estime que ce moteur de croissance s’est déjà essoufflé en 2013 et le sera davantage en 2014 avec le gel des salaires et l’augmentation des prix par l’effet de la réduction de la compensation.
Les choses peuvent empirer pour peu qu’on retienne la proposition de Hassine Dimassi. Obnubilé par le poids des salaires dans le budget (38%), l’ancien ministre des Finances a suggéré, récemment, sur les ondes de radio Culture, aux salariés d’accepter une baisse volontaire de leurs rémunérations, occultant le rôle que jouent ces derniers dans l’impulsion de la consommation et, partant, de la production.
S’agissant des exportations, les experts pensent qu’au regard des projections optimistes quant à une reprise de l’économie dans la zone euro (principal débouché des produits tunisiens exportés), celles-ci pourraient connaître une reprise, notamment pour les produits mécaniques et électriques, le tourisme, le textile-habillement.
Mention spéciale pour le phosphate et dérivés, leurs exportations pourraient être boostées à la faveur de la paix sociale qui prévaudra dans le bassin minier, et ce en prévision de la trêve sociale souhaitée par tous les partenaires sociaux.
Vient enfin l’investissement public. Ce dernier sera plombé à l’initiative du gouvernement qui a décidé de diminuer au fort taux de 20% le budget de développement. Ce budget est réduit à la baisse pour la troisième année consécutive.
Officiellement, ce budget n’a jamais été exécuté totalement parce qu’il était surestimé.
Conséquence: un solde de un à deux milliards de dinars est dégagé chaque année.
Pourtant, les besoins en projets de développement facilement réalisables (adduction d’eau potable, électrification, construction de logements décents) sont énormes et ne demandent pas beaucoup de procédures.
Tout indique qu’il s’agit d’un choix délibéré du gouvernement qui fait flèche de tout bois pour dégager ce solde. L’objectif est de disposer de fonds supplémentaires pour les utiliser à des fins autres que développementales. C’est dans cette perspective qu’il va utiliser le solde d’un milliard du budget de développement 2013 pour financer la recapitalisation des banques publiques.
Moralité : le gouvernement détourne le budget de développement dédié aux pauvres pour renflouer les poches des actionnaires des banques publiques. Ces derniers, bien qu’ils assument une grande responsabilité dans la mauvaise gestion de ces établissements de crédit, n’ont jamais été inquiétés.
Cela pour dire que ce sont hélas les pauvres –qu’ils se situent à l’intérieur du pays ou dans le Grand Tunis- qui payent toujours la facture.