Les charges fiscales ne sont pas réparties de manière équitable en Tunisie et le système fiscal actuel n’est plus en mesure d’assurer la redistribution des richesses. C’est ce qu’estime Abdeljellil Bedoui, universitaire et expert économique.
La mauvaise répartition des charges fiscales est perceptible, notamment à travers le fait que 5% des entreprises supportent, à elles seules, 80% du total des charges fiscales, selon M. Bedoui, qui intervenait jeudi, au cours d’une conférence organisée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) sur «le système fiscal tunisien et son rôle dans l’ancrage de l’équité sociale».
Les salariés, qui contribuent à hauteur de 80% au total des impôts sur le revenu et la divergence entre les régimes d’imposition réel et forfaitaire, témoignent également de la répartition inéquitable des charges fiscales dans le pays, a encore argumenté M. Bedoui.
L’expert a fait savoir que le nombre des personnes soumises au régime forfaitaire a dépassé 400.000 adhérents à fin 2013 contre 149.000 en 1987. La moyenne des impôts payés par les personnes soumises au régime forfaitaire ne dépasse pas 59 dinars, contre 984 dinars pour les personnes soumises au régime réel, d’après les statistiques de 2012.
M. Bedoui a appelé à cet effet à annuler progressivement le régime forfaitaire, à lutter contre le secteur informel et à le soumettre à l’impôt, de manière à promouvoir une économie solidaire et sociale.
Il a, en outre, mis l’accent sur la nécessité de réduire l’écart entre les systèmes d’imposition appliqués sur les entreprises locales et celles exportatrices et de hâter la révision du système fiscal actuel aux «recettes médiocres», selon ses propos.
De son côté, Sami Ouadi, conseiller auprès de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), a estimé que le projet de la loi de finances complémentaire pour 2014, promis par le président du gouvernement attendu, apportera de nouvelles réformes radicales dans le domaine fiscal, notamment en ce qui concerne les nouvelles redevances qui ont augmenté la tension dans le pays.
Il a rappelé que l’UGTT avait déjà mis en garde contre l’impact négatif probable des dispositions de la loi de finances 2014. Les mutations économiques enregistrées aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays nécessitent de réviser de manière radicale le système fiscal actuel et de renoncer aux solutions de raccommodage, a pour sa part suggéré Taoufik Laaribi, chargé de la fiscalité à l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat(UTICA).
Pour Laaribi, le système fiscal actuel se caractérise par une multitude de textes et une dispersion des taux, appelant à instaurer des systèmes de contrôle et de litiges fiscaux qui seront de nature à concilier entre les droits de l’administration fiscale à la préservation des ressources et ceux des contribuables.
Dans son intervention, Massoud Romdhani, membre du FTDES, a souligné que les mouvements de protestation observés dans plusieurs régions du pays puisent leur origine en partie, dans le système fiscal tunisien qui n’est pas équitable, selon lui. Il a critiqué l’obstination du gouvernement dans l’élaboration des projets du budget de l’Etat et de la loi de finances, aprés la consultation des parties sociales, notamment l’UGTT et l’UTICA, appelant à la nécessité pour les prochains gouvernements de prendre en considération les avis de ces parties en vue d’instaurer un système fiscal plus équitable.