é dans un attentat, le 27 décembre 2013 à Beyrouth (Photo : -) |
[11/01/2014 15:19:56] Beyrouth (AFP) Cela a commencé avec un “selfie”: l’autoportrait photographique d’un garçon de 16 ans tué dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth, puis a donné le signal d’une campagne pour protester contre le cycle de violence politique au Liban.
Choqués par la mort de Mohammad Chaar, énième victime innocente des attentats dans le pays, de jeunes Libanais ont posté des dizaines de photos sur Facebook et Twitter avec un message personnel et le mot-dièse (hashtag) #notamartyr (“je ne suis pas un martyr”).
Au Moyen-Orient, il est courant d’appeler “martyr” une personne victime d’une mort violente, même si elle n’a pas succombé pour une cause qu’elle défendait.
Mohammad Chaar, un sunnite, a été grièvement blessé le 27 décembre dans l’attentat qui a visé l’homme politique anti-syrien Mohamed Chatah. Peu avant l’explosion, l’adolescent avait posé pour un “selfie” avec ses amis. Le lendemain, il succombait à ses blessures.
Près d’une semaine plus tard, le “selfie” d’une chiite de 17 ans, Malak Zahwi, tuée dans un attentat à la voiture piégée dans la banlieue sud de Beyrouth avait été aussi posté sur twitter.
“Nous ne pouvons plus accepter cette violence (…) Nous sommes des victimes, pas des martyrs”, peut-on lire sur la page Facebook “Not a martyr”.
“Mais nous ne sommes pas désespérés, nous avons des rêves pour notre pays (…) Dites-nous ce que vous désirez pour votre pays, dites-nous ce que vous souhaitez faire de votre vie”.
Plus de 7.000 personnes ont “aimé” cette page et des centaines ont posté leurs “selfies”.
“Je veux vivre pour mon fils et non mourir pour mon pays”, assure un message accompagné d’une photo de Miss Liban en 2005 Gabrièle Bou Rached embrassant son enfant.
Arrêter de faire comme si de rien n’était
Dyala Badrane, 25 ans, qui habite Beyrouth, a été l’une des premières à répondre à la campagne, en postant un selfie sur son compte twitter le 30 décembre.
Elle regarde l’objectif, tenant un papier avec ce message: “Je veux que les assassins soient traduits en justice”.
Dyala raconte qu’elle était “remplie de colère” après la mort de Chaar. “J’étais vraiment furieuse qu’on parle de lui comme d’un martyr car pour moi ce n’en est pas un: il est tout simplement victime d’un meurtre”, dit-elle.
Son message visait aussi à mettre en cause ce qu’elle appelle la culture de la “banalisation” au Liban, où une population marquée par quinze ans de guerre civile et des dizaines d’attentats a appris à continuer normalement sa vie après chaque incident.
“Nous continuons à vivre comme si de rien n’était. Cela suppose une certaine résilience, mais ce n’est pas le cas, c’est une banalisation de cette violence dangereuse”, tonne Dyala Badrane.
Pour Carina Aoun, “le martyre est un choix. Tu peux choisir d’être un martyr ou pas. Mais on ne peut pas appeler +martyr+ quelqu’un qui est mort par erreur car la victime n’avait pas le choix”.
Cette femme, qui a quitté voilà deux ans le Liban pour Dubaï, a posté un message de frustration partagé par beaucoup de Libanais qui ont dû s’exiler.
“Nous aimerions rentrer mais nous devons penser à notre vie et à notre avenir. Sa mort a provoqué une réaction chez les jeunes car cela aurait pu arriver à chacun d’entre nous”, dit-elle à l’AFP.
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Cette campagne survient dans un pays très divisé entre partisans et détracteurs du président syrien Bachar al-Assad, où l’explosion qui a fauché la vie à Chaar et à six autres personnes fait partie d’une longue série d’attentats liés à la Syrie.
Si beaucoup de Libanais se sentent piégés par la violence, d’autres y sont impliqués directement, soit en participant à des combats entre anti- et pro-Assad à Tripoli (nord), soit en partant en Syrie combattre avec ou contre le régime syrien.
Dyala reconnaît que les chances de changement sont minces à court terme mais “si nous continuons à parler de ces problèmes, cela nous aidera peut-être à agir”.
“C’est important (…) de ne pas tourner la page à chaque fois, comme nous avons l’habitude de le faire”, estime-t-elle.