Le mouvement des Frères musulmans et dérivés -salafistes, toutes sectes confondues- connaissent, en cette fin d’année 2013, partout où ils ont émergé (Turquie, Egypte, Syrie, Libye, Tunisie…), de graves difficultés qui augurent, pour cette mouvance d’obédience islamiste, d’une nouvelle traversée de désert qui peut durer cette fois plus longtemps que prévu. Au regard de leur bilan, les Frères musulmans n’ont été, jusque-là, que des corrompus ou des terroristes.
En Turquie, leur vedette, le Premier ministre islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, traverse ces jours-ci sa plus grave crise politique depuis son arrivée au pouvoir en 2002; son proche entourage étant touché par un scandale politico-financier de grande ampleur.
Les fréristes turcs se sont avérés de minables corrompus. Erdogan a été amené à remplacer près de la moitié de son gouvernement après la démission de trois ministres (Intérieur, Environnement, Economie) mis en cause dans ce scandale politico-financier.
Leurs fils ont été incarcérés et inculpés de corruption, fraude et blanchiment d’argent dans le cadre d’une enquête judiciaire liée à des ventes illégales d’or à l’Iran sous embargo. Une vingtaine d’autres personnes ont été inculpées et écrouées dans le cadre de cette affaire qui éclabousse le Parti de la Justice et du développement (AKP) d’Erdogan, en pleine campagne pour les élections locales du 30 mars 2014.
En Egypte, le Conseil des ministres égyptien vient de classifier la confrérie des Frères musulmans comme «organisation terroriste» et d’informer les Etats signataires de la Convention sur la lutte contre le terrorisme de la nouvelle décision.
La nouvelle décision du gouvernement égyptien intervient suite à l’explosion d’une voiture piégée à proximité du bâtiment de la direction de la sûreté dans l’une des provinces du Delta du Nil et qui a fait 15 morts, pour la plupart des policiers.
En Syrie, après le compromis trouvé pour éviter les frappes aériennes américaines contre les troupes de Bachar El Assad (acceptation par la Syrie de détruire ses armes chimiques), le rapport de force a nettement changé en faveur de l’armée régulière. Celle-ci ne cesse, au regard d’informations vérifiées et recoupées, de porter des coups durs à l’opposition syrienne, voire à la Coalition nationale syrienne dont les Frères musulmans syriens constituent une forte composante (78 membres sur un total de 320 selon une étude menée par le gouvernement allemand). Ils seraient plus nombreux dans la mesure où ces derniers ont l’habitude d’avancer masqués, sous couvert d’autres ONG de la société civile.
Le pire scénario pour les Frères musulmans syriens serait une victoire de l’armée régulière, ce qui n’est pas exclu. Car, ils encourent le risque de tomber sous le coup de la loi 49 -toujours en vigueur-, laquelle stipule qu’«est considéré comme criminel et sera puni de la peine capitale quiconque est affilié à l’organisation de la communauté des Frères musulmans».
En Libye, les Frères musulmans libyens sont en conflit ouvert avec le Premier ministre libéral, Ali Zeidan, auquel ils reprochent, notamment, son rapprochement avec les nouvelles autorités égyptiennes, aggravant les tensions dans le pays en proie à une crise pétrolière et à une insécurité croissante.
Pour mémoire, Ali Zeidan avait visité, au mois d’août 2013, l’Egypte où il avait rencontré son homologue Mansour Adli ainsi que le général Al-Sissi, le chef de l’armée qui a destitué, début juillet 2013, le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans.
Le Parti pour la justice et la construction (PJC), branche politique des Frères musulmans libyens, avait vivement critiqué cette visite qu’il considère comme une “reconnaissance franche du coup d’Etat et de ses instigateurs qui ont commis des crimes et des violations des droits de l’Homme” contre des membres de la confrérie en Egypte. Le Premier ministre avait expliqué avoir effectué “cette visite dans l’intérêt de la Libye”.
Les Frères musulmans, qui ont été depuis le début hostiles au Premier ministre, risquent d’être marginalisés si jamais ils continuent à mettre la pression sur le Premier ministre et à menacer de retirer leurs ministres du gouvernement. Les islamistes détiennent cinq portefeuilles (Pétrole, Electricité, Habitat, Jeunesse et Economie).
Moralité : ils sont dans une position fragile dans la mesure où l’échec du président Mohamed Morsi en Égypte a porté un dur coup à la crédibilité de l’«islam politique» et dans la mesure où les puissances occidentales commencent, sérieusement, à réfléchir sur les moyens de stabiliser la Libye et de résoudre la problématiques des 25 millions de pièces d’armes qui y circulent. Pour y arriver, la coopération avec les deux pays voisins, l’Egypte et la Libye, reste déterminante, sachant que les leaderships de ces deux pays ne seraient pas, à court ou à moyen terme, de leurs côtés.
En Tunisie, le parti Ennahdha, branche politique des Frères musulmans, a lamentablement échoué sur tous les plans depuis le vote identitaire en sa faveur un certain 23 octobre 2011. Il a dû accepter d’abandonner, sous la pression de la société civile, le gouvernement, laissant à ses successeurs une économie au bord de la banqueroute et un pays menacé par le terrorisme.
Après les assassinats de leaders de l’opposition (Chokri Belaid, Mohamed Brahmi, Lotfi Naghd) et la tolérance observée vis-à-vis des terroristes salafistes djihadistes, les nahdhaouis ont perdu toute crédibilité.
Pour preuve, ils ont été lâchés par leurs partenaires occidentaux. A titre indicatif, aucun bailleur de fonds n’a daigné s’engager à cofinancer le budget de l’Etat 2014 qui a prévu pour cet exercice un montant d’emprunts extérieurs de 7 milliards de dinars.
Conséquence : le parti Ennahdha suscite de plus en plus désenchantement et désapprobation. Logiquement, au regard des dégâts accomplis, l’Islam politique n’a aucune de chance de réussir en Tunisie. Et ceux qui ont essayé de l’exercer risquent d’être poursuivis en justice.