Spiritueux : le japonais Suntory pourrait déclencher une guerre du bourbon

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îne de production de bourbon Jim Beam dans une distillerie à Clermont, dans le Kentucky, le 13 janvier 2014 (Photo : Luke Sharrett)

[14/01/2014 09:33:13] Tokyo (AFP) Acteur intermédiaire des boissons alcoolisées, le japonais Suntory a surpris le monde des spiritueux en mettant 16 milliards de dollars sur le comptoir pour absorber l’américain Beam, mais les géants du secteur dont le français Pernod Ricard pourraient réagir.

Suntory veut ainsi accomplir le grand saut et passer à la troisième place mondiale sur le marché des spiritueux haut de gamme. Basé dans l’Illinois (nord des Etats-Unis), Beam est connu pour sa marque de bourbon Jim Beam mais commercialise aussi des whyskies, cognacs et rhums, entre autres.

Plus que centenaire, le fabricant nippon basé à Osaka (centre-ouest du Japon) est moins connu internationalement. Ses whiskys fabriqués au Japon sont très réputés dans l’archipel, mais son activité de spiritueux ne représente qu’environ 10% de son chiffre d’affaires (17,6 milliards de dollars en 2012), constitué majoritairement de ses activités hors-alcool, notamment des eaux, cafés, thés, sodas, dont Orangina Schweppes, et divers produits alimentaires. Son activité bière est à elle seule plus importante que celle de spiritueux.

Mais s’il avale Beam comme annoncé lundi dans le courant du deuxième trimestre 2014, Suntory va plus que doubler son chiffre d’affaires dans ce secteur, en passant alors de 1,8 à 4,3 milliards de dollars.

“Suntory veut devenir un acteur mondial dans ce domaine”, estime Satoshi Fujiwara, analyste chez Nomura. Il souligne que le marché planétaire de la bière “a déjà plus ou moins fini sa consolidation” avec une série d’opérations de rachats, y compris de la part de Suntory ou de ses compatriotes Kirin et Asahi cherchant une clientèle plus jeune hors de l’archipel.

Contre-offre attendue

Pour prendre de la bouteille hors de ses terres, Suntory a donc visé cette fois le marché des spiritueux, mais ce groupe encore familial, dont le capital appartient à 90% aux héritiers du fondateur, devra “produire des synergies” avec sa future filiale acquise “à un prix élevé”, a ajouté M. Fujiwara.

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éricain Jim Beam, le 13 janvier 2014, dans une distillerie à Clermont, dans le Kentucky (Photo : Luke Sharrett)

Suntory a en effet proposé lundi 83,50 dollars en numéraire pour chaque action de Beam, soit 25% de plus que le cours de clôture du groupe américain vendredi à Wall Street, où le titre Beam s’est envolé lundi sitôt la nouvelle annoncée. Le groupe japonais a de surcroît lancé cette offre malgré une dépréciation d’un bon quart du yen face au dollar depuis novembre 2012, un mouvement qui renchérit mécaniquement son coût.

“Cette opération va significativement accroître la dette de Suntory”, a souligné mardi l’agence de notation financière Moody’s, qui envisage d’abaisser la note de la dette à long terme du groupe nippon, actuellement fixée à A3, la septième meilleure sur l’échelle à 19 crans de Moody’s.

Le groupe dispose toutefois d’un stock appréciable de liquidités – quelque 6 milliards de dollars au 30 septembre dernier d’après Moody’s – et devrait pouvoir emprunter sans problème auprès des banques nippones, dans une période d'”argent facile” au Japon favorisé par la politique monétaire ultra-accommodante de la banque centrale.

Mais l’ampleur de l’opération – la troisième plus importante acquisition jamais réalisée à l’étranger par un groupe nippon – semble en avoir surpris plus d’un, y compris chez les grands noms du secteur, souligne Jeremy Cunnington, expert de ce marché pour la firme de recherche Euromonitor International.

“Suntory avait mis l’accent ces dernières années sur les boissons non alcoolisées”, y compris en mettant en Bourse 40% de sa filiale dans ce domaine, Suntory Beverage & Food (Suntory B&F), pour 3,7 milliards de dollars, a rappelé M. Cunnington. Selon lui, “plusieurs acteurs mondiaux pourraient s’unir pour lancer une contre-offre sous la direction de Pernod Ricard”.

“Même si l’offre de Suntory n’intervient pas au moment idéal pour Pernod Ricard – ce qui explique d’ailleurs pourquoi Suntory l’a lancée maintenant -, le groupe français pourrait ne pas vouloir laisser s’échapper plusieurs marques clés comme Jim Beam et la tequila Sauza”, a précisé l’analyste.

Les cours des actions des grands groupes du secteur, dont Pernod Ricard, Diageo et Rémy Cointreau, ont nettement grimpé sur leur place boursière respective lundi. Mardi, le titre Suntory B&F a grignoté pour sa part 0,30% à la Bourse de Tokyo où l’indice vedette Nikkei a chuté de 3,08%.