C’est devenu un lieu commun de sonner le glas des banques publiques au motif, aussi précipité que hasardeux, de gestion contestable. C’est là un mauvais procès qu’on fait à des institutions qui reposent chacune sur un précieux concept-clé. Le processus de “Full audit“, ne doit pas activer leur mise à mort. Il ne faut pas les enterrer mais leur donner un deuxième départ dans la vie, en leur offrant entre autres issues, un redéploiement à l’international.
On peut regretter que le processus de full audit ait été imposé aux seules banques publiques comme si elles étaient seules porteuses du “virus de la mauvaise gestion“ ou de l’incompétence. Cette démarche peut être perçue comme une mise à l’index, humiliante et vexatoire.
Si la mesure s’imposait, il faudrait l’imposer à toutes les banques locales. On y aurait vu non une mesure discriminante mais un acte de sauvetage global pour toute la place. Les banques privées, pour leur part, ne semblent pas détenir le monopole de la performance.
Trois banques publiques, trois identités remarquables
Le processus de full audit survient comme une mise en condition pour une probable privatisation, à l’avenir, ou dans une moindre mesure une fusion-absorption. La STB, la BNA et la BH sont trois enseignes glorieuses, qui ont cultivé un savoir-faire métier et cultivé une expertise professionnelle de très haut niveau. Elles n’ont pas été valorisées parce qu’on a corseté ces banques dans un business model à qui on a refusé d’évoluer. Chacune, d’entre elles, possède un concept-clé de très haute valeur. Elles sont, actuellement, soumises à une curée financière sans précédent, pour des torts divers qu’on leur prête et qui convergent tous vers une sentence de mauvaise gestion.
C’est oublier que ces institutions ont été vidées de leur métier par une concurrence pas souvent loyale et que par ailleurs elles ont été pillées et mises à sac par les courtisans de l’ancien régime.
Il ne faut pas oublier, non plus, qu’elles ont été bridées par une réglementation incohérente, pesante et contreproductive qui a eu pour effet de freiner leur expansion, neutralisant leur potentiel, les accablant d’un cumul de créances accrochées, y compris sur les entreprises publiques dont on a refusé le “dégazage“ progressif hors les bilans de ces banques.
Elles sont, pourtant, encore là, debout et ne demandent qu’à repartir.
Nous allons les examiner une par une, en les soumettant à une grille d’évaluation rigoureuse. Et ce sera aux lecteurs d’en tirer les conséquences.
La BH : pionnière et doyenne du crédit habitat en Tunisie et en Afrique
Elle a un index professionnel de banque leader de son secteur. Trois ans plus tôt, S&P lui attribuait le meilleur rating des banques du Maghreb. En 2008, l’association “African Bankers“, émanation du FMI, lui décernait le titre de “meilleure banque africaine de son secteur“.
Durant plusieurs décennies de croissance, le pays n’a pas souffert véritablement d’une crise du logement. Nous avons la faiblesse de croire que c’est parce que tout le dispositif de la promotion publique -et la BH qui en est le vaisseau amiral-, a su se mettre en intelligence avec les besoins d’urbanisation croissante du pays.
Le concept de base, le savoir métier enfin le potentiel à l’international
Pour comprendre le concept de l’épargne-logement, sachez que ce système tient à un montage simple. La banque prête au client quatre fois le montant de son épargne. Nos lecteurs conviendront que le crédit habitat est “capitalivore“ et qu’il consomme énormément de ressources. Le développement d’un tel “business model“ est un challenge qui n’est pas gagné d’avance. Malgré tout, la BH et avant elle la CNEL ont rendu le système excédentaire, c’est-à-dire que la banque ainsi que la Caisse ont attiré des ressources pléthoriques. Le savoir-métier est tout aussi percutant.
La BH prête sur treize ans au taux de 7% environ. Ce taux correspond au taux d’actualisation des bons du trésor, de même échéance. Cela signifie qu’en bout de course, le total des remboursements faits par le client vaut à peu près le montant nominal du crédit à son déblocage. L’offre BH est aujourd’hui globale. La banque finance le lotisseur, le promoteur et l’auto-construction, et ses produits sont en ligne avec toutes les exigences du client. Ainsi que du marché.
Son département technique, véritable task-force, est son fer de lance. C’est lui qui épluche les projets immobiliers pour rendre leurs coûts compatibles avec ses paliers de financement et les prix du marché, de sorte à prévenir les invendus et décourageant la spéculation.
Nous considérons que La BH s’est éparpillée dans le financement des entreprises industrielles et commerciales. Elle s’est en quelque sorte aventurée en dehors de son champ professionnel. Il lui en a coûté en provisions et autres créances improductives.
Point besoin d’un full audit pour voir qu’elle peut rectifier le tir en basculant ses engagements vers les entreprises industrielles en amont de l’immobilier. Son business model retrouverait sa pleine cohérence.
Dans cette perspective, elle pourrait se transposer n’importe où dans MENA et en Afrique. Tout pays hôte serait assuré de disposer, à la clé, en accueillant la BH, d’une planification globale pour son urbanisation. Ce qui n’est pas une moindre gageure.
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