«Bastardo», long-métrage à succès de Néjib Belkadhi, participe actuellement au Festival international du film de Palm Springs (03-13 janvier), en Californie, dans la section «World Cinema Now».
Encensé par la critique, le film a dépassé les 20.000 entrées en Tunisie, en moins d’un mois depuis sa sortie nationale.
Une occasion pour faire le point sur ce que coûte un film, comment se produit-il, comment se rentabilise-t-il… avec Imed Marzouk, producteur de Bastardo, sur un métier méconnu.
Faut-il être fou, passionné ou doublement entrepreneur avec un goût particulier pour le risque afin de produire un long-métrage de surcroît dans un contexte politique aussi chahuté et économique aussi délicat? La réponse d’Imed Marzouk, producteur de Bastardo, ne fait aucune place au doute. Les trois à la fois, répond-il sans hésiter!
Le cinéma en Tunisie n’a jamais été rentable, à moins de quelques exceptions comme «Asfour stah» qui a été un succès dans les salles et s’est beaucoup vendu à l’étranger. Avec la disparition de la majorité des salles de cinéma dans le pays, le cinéma tunisien ne risque pas de se développer ni d’évoluer et de surcroît de se rentabiliser.
Pourtant, les exploitants des cinémas admettent que lorsque c’est une production nationale qui passe, la fréquentation augmente sensiblement. A titre indicatif, le film documentaire «Kahloucha» a réalisé plus de 80 mille entrées.
De façon plus générale, les films tunisiens qui marchent font entre 20 et 30 mille entrées, 5.000 quand c’est un quasi flop!
Imed zarrouk regrette que les chaînes de télévision n’achètent plus de films ou ne participent plus à la production de films. Il estime que les sommes que proposent certaines chaînes de télévision pour la transmission d’œuvres cinématographiques sont insultantes. Elles ne couvrent même pas l’adaptation technique du support!
Pourquoi les cinémas sont-ils boudés par les Tunisiens?
L’on serait tenté de répondre à cause du pouvoir d’achat. Pas su sûr!, répond Imed Marzouk : «Que penser quand on sait qu’un ticket de stade pour voir un match de football vaut 10 ou 15 dinars alors que la place de cinéma la plus chère du pays coute 5 dinars?». Il convient de trouver les raisons dans la politique culturelle héritée des 23 ans de Benalisme.
Alors comment financer et retrouver ces billes?
Imed Marzouk fonctionne autrement qu’une boîte de production classique. «Propaganda» évolue dans la production publicitaire et investit dans le cinéma comme dans le tout récent «Nhar Ala ammar», un documentaire sur la “Génération Dégage“, qui a coûté 100.000 dinars et qui a été financé par des aides comme celles de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le film sera ensuite vendu dans des télévisons étrangères.
Les films primés dans des festivals suscitent en général plus d’intérêt et facilitent la mission de vendeurs internationaux qui ont la charge de s’assurer de leur exploitation. Propaganda «est une entreprise qui fonctionne avec une dizaine de salariés et fait un CA de 4 millions de dinars».
Pour en revenir à «Bastardo», le film a coûté 2,4 millions de dinars. Il a été financé par le ministère de la Culture, le Fonds Sud (Cinéma du monde) et Dhaouha Film Institute qui finance à hauteur de 50.000 dollars.
Autour du film, il y a eu une cinquantaine d’employés pendant deux mois et demi. Imed Marzouk explique: «Bastardo a mobilisé des dizaines de techniciens. Nous avons payé 1.500 cachets entre 30 à 80 dinars. Un film fait travailler de nombreux prestataires de services comme le catering, les locations de voitures, les hôtels, les restaurants…»
Bastardo est un film qui, au lendemain de sa sélection au Festival de Toronto, a commencé à trouver sa place. Les demandes affluent depuis ce festival et les acheteurs potentiels se disent qu’être retenu à un aussi grand festival est une garantie de qualité. Placer un film au bon moment au bon festival est une corde que rajoute Imed Marzouk à son arc, puisque Bastardo n’a pas encore de vendeur international.