Ceux ou celles qui cherchent la petite bête aux autres, juste pour le plaisir, peuvent reprocher à Wided Bouchamaoui, présidente de la Centrale patronale, nombre de choses, mais pas sa franchise, le courage de ses idées et encore moins celui de ses positions.
«Je m’attendais à ce que vous m’interpelliez sur le refus de constitutionnaliser la liberté du travail et celle de l’initiative privée, je m’étonne que personne parmi vous ne l’ait pas fait», a déclaré la patronne des patrons tunisiens devant les journalistes présents lors de la conférence de presse organisée jeudi au siège de la centrale pour annoncer le programme de travail de l’UTICA pour 2014.
Ajoutant que «si vous pensez que l’Etat ou le secteur privé à eux seuls pourraient résorber ces centaines de milliers de chômeurs, vous vous trompez. C’est ce qui explique le pourquoi de notre déception que pareille proposition n’ait pas trouvé écho au sein de la Constituante. Car nous voulions que les jeunes tunisiens, du sud au nord, puissent, eux-mêmes devenir leurs propres patrons faute d’être les employés des autres. Nous ambitionnions de mettre en place des programmes pour des lignes de financement et des modes d’encadrement et de formation. Nous le voulions pour ne serait-ce que sauver des activités qui disparaissent sans que personne ne bouge le petit doigt, tel notre patrimoine artisanal que nous sommes en train de perdre dans une totale indifférence alors que nous pouvions l’adapter à l’ère du temps et le transmettre aux générations futures».
Il n’y a pas que cela qui inquiète le plus la présidente du Patronat: le commerce et l’économie parallèles figurent en haut du pavé de ses priorités. «Nous ne voulons pas nous acharner sur les marchands ambulants ou ceux qui s’approvisionnent dans les circuits parallèles de distribution pour pouvoir vivre et nourrir leurs enfants. Nous voulons mettre un cadre légal pour que ses personnes s’acquittent au même titre que leurs pairs de leurs devoirs envers l’Etat et la société en payant des taxes. Mais plus important que cela, l’Etat a une responsabilité dans le contrôle des frontières pour tarir les sources, et également dans la remise en question de certaines lois et procédures qui imposent des taxes trop élevées aux importateurs sur des produits considérés aujourd’hui comme étant de première nécessité. Je parle des produits d’équipements électroménagers, tels les réfrigérateurs, télévisions et autres…».
L’UTICA compte, à ce propos, organiser une journée de réflexion intitulée «De l’informel vers le formel: préalables et plan d’actions». Mieux encore, la centrale patronale compte s’attaquer à des thèmes tels la productivité en Tunisie, les besoins des PME en termes de compétences et de qualifications, les entraves à l’exportation, la modernisation de la législation de travail en conformité avec le Contrat social et la révision des régimes de retraites en Tunisie. Des retraites menacées par des Caisses déficitaires…
Les besoins des PME/PMI feront également partie des préoccupations de la centrale tout autant que les entreprises offshore. Un centre de conciliation et d’arbitrage sera mis en place pour délibérer sur les affaires litigieuses et aider les parties prenantes à résoudre leurs différends. Une structure consacrée aux entreprises offshore sera intégrée à l’UTICA et bénéficiera de tout le soutien et l’appui de la centrale, qu’il s’agisse de procédures ou de difficultés avec les administrations économiques.
L’année 2013 n’a pas été facile, celle de 2014 le sera moins: «Nous attendons de forts signaux de la part du nouveau gouvernement une loi complémentaire des finances qui rectifie les carences de la première loi des finances, une conciliation nationale qui s’impose d’elle-même pour que le pays récupère stabilité et sérénité, une date pour les prochaines élections, la neutralité de l’Administration, la suprématie de la loi, une justice indépendante -c’est important pour les investisseurs- et l’adaptation des cursus scolaires aux besoins du marché du travail. Nous savons qu’il n’est pas possible pour le prochain gouvernement de tout faire mais au moins qu’il donne les signes du rétablissement des choses dans l’ordre, qu’il s’agisse du politique, de l’économique ou du social. En un mot, nous espérons le rétablissement des grands équilibres économiques».
La présidente de l’UTICA a reconnu qu’il existe des problèmes qui doivent être traités rapidement; elle a également déclaré que la centrale patronale est prête à donner des solutions et sera un acteur important dans le rétablissement de la confiance entre le peuple et la communauté d’affaires ainsi que dans la redynamisation de l’économie et la relance des investissements.
Des ses relations avec l’UGTT, elle a déclaré qu’elle plaide pour une politique de négociation et des débats constructifs entre les deux institutions dans l’intérêt des deux parties. «Il s’agit d’un enjeu de taille appelé Tunisie. Si nous pouvons réussir grâce à des discussions, des échanges d’idées et de propositions à établir la paix sociale, à sauver des entreprises de la faillite et des employés du chômage, pourquoi voudriez-vous que nous n’ayons pas de bons rapports avec la centrale ouvrière. Il n’y a rien de personnel, il s’agit tout juste de préserver le tissu économique du pays et les postes d’emplois, ni plus ni moins. Alors non, nous ne sommes pas en conflit avec l’UGTT, nous sommes tout juste, en tant qu’institutions, responsables de la paix sociale dans le pays et de la préservation de son économie et avec nous l’Etat».