Aujourd’hui Chapitre est menacé, il y a sept mois disparaissait Virgin

20000a4b5aef8d52d42a77112c7ed42092217dc8.jpg
à Paris (Photo : Francois Guillot)

[17/01/2014 17:23:02] Paris (AFP) “Si je pouvais parler aux gens de Chapitre, je leur dirais: faites comme nous, faites-vous entendre”: sept mois après la liquidation de Virgin, tel est le message de l’ex-leader CGT Guy Olharan aux salariés des librairies en difficulté.

En liquidation judiciaire depuis début décembre avec poursuite de l’activité jusqu’au 10 février, 41 des 57 librairies Chapitre (environ 1.200 salariés) cherchent toujours un repreneur, une audience pour examiner des offres de reprise étant prévue lundi.

En juin 2013, chez Virgin, ils étaient un millier à se retrouver sur le carreau après des déconvenues en série sur les repreneurs, mais avec en lot de consolation, et grâce au combat des salariés, un budget bien meilleur qu’au départ pour le plan social. Retour sur la fin d’une histoire.

A l’été 2012, tout juste arrivée, la nouvelle présidente de l’enseigne au logo rouge Christine Mondollot se donne “deux ans pour restructurer la chaîne en réduisant la surface des points de vente”.

Mais six mois plus tard, la direction du groupe, victime notamment des achats en ligne et de la crise, annonce qu’elle compte résilier le bail de son magasin amiral sur les Champs-Elysées, qui génère 20% du chiffre d’affaires.

Dans les jours qui suivent, le groupe évoque un possible dépôt de bilan. Les syndicats (CGT, FO, SUD, CFE-CGC et CFTC) font front commun et indiquent qu’ils ne comptent “pas se laisser faire”. Ils imputent à l’actionnaire principal Butler Capital Partners (74%) la mauvaise gestion du groupe.

“Une boule au ventre” mais encore de l’espoir

Ce front syndical très actif fait appel aux artistes, organise des manifestations en série et sollicite avec succès les médias. Cela n’empêche pas le groupe de se déclarer en cessation de paiement le 9 janvier.

b6a10ea1cff2df3ad3253b125c232e2e5bdaaaae.jpg
, le 29 avril 2013 (Photo : Francois Guillot)

“On a une boule au ventre, mais on a espoir de trouver un repreneur”, explique alors l’infatigable cégétiste Guy Olharan.

En avril, seules cinq offres sont déposées. La plus conséquente – de la société d’arts créatifs Rougier et Plé – propose de reprendre moins de 300 salariés.

Mais en mai, le groupe jette l’éponge. Les syndicats, écoeurés par un déstockage massif qui a conduit caissières et vendeurs à se faire “à moitié agresser” notent que “Virgin est mort”.

Les dernières offres de reprise encore en lice sont rejetées le 10 juin. Des salariés “dégoûtés” décident d’occuper les boutiques avec leurs sacs de couchage. Dans le hall du magasin des Champs-Elysées, aux allures de vaisseau fantôme, banderoles et panneaux revendicatifs remplacent CD et DVD.

Les salariés veulent 15 millions d’euros pour financer leurs départs et non les 8 millions qui leur sont proposés.

Le 12 juin, la direction décide de fermer les magasins prématurément “pour des raisons de sécurité” et cinq jours plus tard, le couperet tombe: la liquidation judiciaire après 25 ans d’activité.

Quelques jours après, les salariés quittent les magasins sur une victoire, ayant décroché les 15 millions d’euros.

“Ca laisse un goût amer, forcément”

Ils reçoivent leur lettre de licenciement début juillet et se voient proposer d’être suivis pendant un an, par un cabinet spécialisé et/ou Pôle emploi.

ab7a79a2c2e978c8d964cf56d1df009c2eb4e57c.jpg
és occupent le Virgin Megastore des Champs Elysées, le 17 juin 2013 à Paris (Photo : Francois Guillot)

Une centaine décident de s’en sortir seuls et “ont dû depuis retrouver du travail”, assure Sylvain Alias (SUD) membre du comité de suivi des reclassements.

Sur 845 personnes suivies par Pôle emploi, 92 personnes sont aujourd’hui en CDD ou CDI, détaille-t-il. 45% sont dans le culturel, principalement chez les ex-concurrents Gibert, Cultura, le Furet du Nord ou encore la Fnac.

Les autres se sont majoritairement (53%) lancés dans des formations, souvent en vue d’une reconversion: de la boulangerie à la restauration en passant par le métier d’aide-soignant ou d’auxiliaire puéricultrice.

Jean-Damien Bastid-Neveu, 51 ans, touchera jusqu’à l’été environ 80% de son salaire dans le cadre du congé de reclassement. Il est en “recherche active” d’un poste en librairie après un CDD de deux mois à la Fnac fin 2013. Mais “les places sont chères”, dit à l’AFP cet ancien des Champs-Elysées. Et “on n’est pas les derniers, malheureusement, parce qu’il y a Chapitre”…

“Je vois le temps qui tourne et je ne trouve rien”, dit de son côté Christophe D., 44 ans, qui a 16 ans d’expérience dans la papeterie. Pour l’ex-gilet-rouge, la lutte a été utile car “on a quand même réussi à avoir tous nos acquis”.

Même si “ça laisse un goût amer, forcément”, pour Guy Olharan, la fin de Virgin n’est “pas un échec parce que c’est une victoire collective. On s’en sort vraiment par le haut, avec dignité”.

Aujourd’hui, le syndicaliste est en reconversion pour devenir conseiller en insertion. Son regret? “d’abord à l’égard des dirigeants successifs qui n’ont pas su opérer le changement de stratégie nécessaire” face aux nouveaux modes de consommation, ce qui fait qu'”on est parti dans le mur”.

15ff9a4dd64ce960b276c927aa58cedc50b6f389.jpg
és occupent le Virgin Megastore des Champs Elysées, le 17 juin 2013 à Paris (Photo : Francois Guillot)

Il craint aussi que malgré les tirs de “sonnette d’alarme”, “Virgin n’ait pas vraiment servi d’exemple”. A l’attention des salariés de Chapitre, il lance: “s’il faut se battre, mettez les dernières forces que vous avez encore pour ce combat”.

Mme Mondollot affirme de son côté qu’il était déjà “trop tard” lorsqu’elle a pris les rênes “pour mettre en place un modèle rentable, entièrement différent, avec des surfaces 3 à 4 fois plus petites et des emplacements” moins chers. “Je ne savais pas que la société était à ce point exsangue”, assure-t-elle à l’AFP.

Elle garde “le souvenir d’une situation très difficile mais n’a pas de regret” et résume: “c’est difficile de faire une course de fond si vous êtes épuisés”.