Des cochons (Photo : Francois Nascimbeni) |
[18/01/2014 14:44:07] Saint-Malo (AFP) Des cochons élevés sur paille, libres de se dégourdir les pattes à l’extérieur, nourris aux céréales bio et soignés aux huiles essentielles: l’agriculteur Bernard Buet a coupé les ponts avec l’élevage intensif, convaincu qu’au final “tout le monde s’y retrouve”, y compris financièrement.
Malgré un récent décret facilitant la création ou l’extension des porcheries industrielles jusqu’à 2.000 porcs, certains éleveurs, encore rares, ont choisi à l’inverse de “désintensifier” leur exploitation, sur fond de crise de la filière porcine conventionnelle et de la fermeture d’un gros abattoir de Gad.
Dans la ferme familiale de Bernard Buet à Quévert (Côtes-d’Armor), au coeur d’une région où l’élevage industriel est roi, le cheptel est passé de 1.600 animaux par an en 2009 à 740. En moyenne, l’effectif des exploitations porcines françaises de plus de 100 porcs était de 1.189 en 2010, selon le ministère de l’Agriculture.
A la ferme des Pifaudais, la lumière du jour éclaire partiellement les salles d’élevage, auparavant aveugles. Aucune odeur d’ammoniac ne flotte dans l’air. Les caillebotis de béton et les fosses à lisier ont laissé place à une épaisse couche de paille où les cochons, naturellement fouisseurs, peuvent assouvir leurs besoins. “Le but du bio, c’est de retrouver ces gestes naturels, même s’il y a des compromis à faire”, explique l’éleveur.
“Quand j’étais en élevage conventionnel, les animaux étaient 90 par salle, deux fois plus qu’aujourd’hui. Une fois couchés, ils ne pouvaient plus bouger”, se rappelle Bernard Buet, qui achète les porcelets chez un naisseur bio. Oubliée, aussi, la douloureuse coupe de la queue des animaux: moins nombreux, moins stressés, ils ne mordent plus celles de leurs congénères.
Levure de bière
Un virage à 180 degrés négocié après une “prise de conscience financière, éthique et morale”, pour “faire des produits de meilleure qualité”, s’accorder davantage de temps libre et cesser “d’empoisonner” la terre, confie l’éleveur moustachu, militant à la Confédération paysanne.
L’avantage “considérable” de ce mode d’exploitation, “c’est qu’il permet de réintroduire de la matière organique dans les sols” (la paille), “un élément fondamental dans la rétention d’azote” et la limitation du lessivage des sols contribue ainsi à préserver la ressource en eau, explique le délégué de l’association environnementale Eau et Rivières de Bretagne, Gilles Huet.
Sur son exploitation de 50 hectares, Bernard Buet cultive 60% des céréales bio qui nourrissent ses cochons, afin de limiter les coûts d’alimentation. De la levure de bière, “pour éviter le soja difficilement traçable en bio”, des féveroles, pois, minéraux et tourteaux de tournesol figurent également à la carte.
Si les travaux de manutention (renouvellement de la paille, nettoyage des salles et des courettes) ont augmenté depuis sa conversion en bio, il ne se considère pas pour autant “esclave” de son exploitation. En conventionnel, les agriculteurs sont “eux, esclaves de leur exploitation, ils doivent travailler beaucoup pour rembourser” de lourds investissements, juge-t-il.
A l’âge de 200-210 jours, ses cochons partent pour l’abattoir avant d’être transformés puis vendus dans le réseau de magasins biologiques Biocoop, via le groupement de producteurs Ercabio.
Contrairement au porc conventionnel dont le prix – environ 1,50 euros le kilo – est établi deux fois par semaine au marché au cadran de Plérin (Côtes d’Armor), le prix de base du kilo de porc bio est valable pour un an, fixé à 3,40 euros par Ercabio dans le cas de M. Buet.
Une visibilité appréciable pour l’éleveur, qui affirme avoir triplé ses revenus. “Les dernières années en conventionnel, c’était difficile: si on gagnait 8/9.000 euros par an, c’était déjà bien… sans compter les années où on perdait de l’argent…”.
Mais si l’éleveur est mieux rémunéré, le prix élevé du porc bio à l’achat rebute encore les consommateurs. La filière bio “est tellement anecdotique” (de l’ordre de 0,2% de la production) “qu’elle va continuer à progresser”, estime Goulven Oillic, chargé d’études économiques à l’association interprofessionnelle Interbio Bretagne. “Mais un tel décalage entre les prix freine sa progression”, souligne-t-il.