é du transporteur Mory Ducros à Saint-Laurent-Blangy le 15 janvier 2014 (Photo : Philippe Huguen) |
[20/01/2014 07:33:03] Paris (AFP) Malgré la mobilisation de la profession, l’ampleur du plan social qui se profile pour sauver le transporteur Mory Ducros, N.2 de la messagerie, laisse augurer des reclassements difficiles dans un secteur déjà sinistré et en surcapacité.
L’offre de reprise la plus large, présentée par l’actionnaire principal de Mory Ducros, laisserait pour l’heure sur le carreau plus de 3.000 des 5.000 salariés, sans compter 2.000 employés chez les sous-traitants.
Le gouvernement a demandé à Arcole Industries d'”améliorer” son projet. Et face au “cataclysme” annoncé par les syndicats, il s’active en parallèle à mobiliser la profession pour qu’elle embauche en priorité les futurs ex-Mory Ducros.
Les concurrents récupèreraient une part des clients de Mory Ducros: l’équivalent de 300 millions de chiffre d’affaires est évoqué. Mais combien de salariés s’engagent-ils à embaucher en contrepartie?
“Le ministère du Redressement productif nous a dit espérer 1.000 réembauches par la profession” mais “je vois mal les entreprises, qui ont déjà des difficultés à remplir leurs camions, embaucher autant”, estime Patrice Clos, du syndicat FO-Transports.
Avant une nouvelle réunion prévue lundi avec les ministères concernés, les trois fédérations patronales se montraient prudentes.
Les entreprises de messagerie sont en “surcapacité structurelle, pour répondre aux pics de demande”, prévient Nicolas Paulissen, de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR).
Le précédent Sernam
La crise économique, conjuguée à l’inflation du prix des carburants, a attisé une “guerre des prix” et “a tiré le secteur vers le bas”, les marges sont inférieures à 1%, souligne-t-il.
L’heure n’est pas aux embauches: “cette surcapacité, il va falloir qu’elle se résolve. Ça n’ira pas sans suppressions d’emplois”, prédit même Yves Fargues à l’Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF).
Ce dernier envisage plus volontiers des reclassements dans d’autres branches du transport routier, comme la logistique. Et souligne qu’il “ne faut pas se focaliser sur les conducteurs” : “Chez Mory Ducros, ils sont 1.500. La majorité sont dans les bureaux et sur les quais, à trier, étiqueter, facturer, tracker…”
Pour Maxime Dumont, de l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la logistique (OPTL), “la situation des Mory Ducros sera pire à absorber que la faillite de Sernam”.
En 2012, la fin de Sernam avait mis sur la touche environ 600 salariés, non repris par Geodis (sur 1.400), et fait entre 1.000 et 2.000 victimes collatérales chez les sous-traitants.
à proximité de Gonesse le 9 janvier 2014 (Photo : Martin Bureau) |
La “bourse de l’emploi” créée pour eux avait été un apparent succès: plus de 3.000 offres recueillies au fil des mois. La fédération CFDT-Transports souhaite d’ailleurs qu’elle soit réactivée.
Mais après 20 ans dans l’ancienne filiale de la SNCF, “il n’est pas facile de rentrer dans une PME en perdant 450 euros par mois”, relève M. Dumont.
Alors “plus de 70% de ceux à qui on proposait une offre ont préféré le Contrat de sécurisation professionnelle”, l’accompagnement renforcé de Pôle emploi avec salaire garanti pendant un an, “le problème, c’est qu’un an après, certains n’avaient rien”, observe-t-il. Début 2013, 30% des ex-Sernam suivis par la cellule de reclassement étaient en emploi, presque autant en formation.
L’histoire pourrait se répéter. “Dans les PME, les conditions salariales et sociales ne sont pas les mêmes que chez Mory Ducros”, reconnaît Gilles Mathelié-Guinlet, de la fédération de transporteurs OTRE.
La faible mobilité des salariés, vieillissants, du secteur, est aussi un frein. “On roule mais on n’est pas mobile. Les gars veulent retrouver un emploi près de chez eux”, explique M. Dumont.
Celui-ci veut croire néanmoins en des “transferts” vers des activités en croissance comme le transport de voyageurs (cars scolaires, bus, cars de tourisme, etc).
Patrice Clos (FO) est plus pessimiste: “les trois quarts des postes dans le transport scolaire sont des contrats à mi-temps”, peu attractifs. Il mise davantage sur les reclassements dans le secteur public promis par le gouvernement, mais “on nous a dit 1.000, puis 250, il faut qu’ils clarifient”.