Tout au plus, ils sont une quinzaine. Ils se bousculent sur les plateaux de télévision et des radios. Ils sont toujours à la Une des journaux et des sites électroniques. Ils sont courtisés par les médias qui les appellent, sans aucune nuance, pêle-mêle, experts, universitaires, spécialistes, économistes, conseillers économiques, consultants, ingénieurs…
Leurs analyses sont le plus souvent concoctées à la carte, c’est-à-dire selon leurs propres intérêts personnels et ceux des lobbies locaux et étrangers dont ils se réclament.
Ces analyses sont virulentes lorsque ces experts sont dans l’opposition ou en mal de publicité, voire à la recherche d’un poste plus valorisant (PDG, secrétaire d’Etat, ministre, ambassadeur, consul, fonctionnaire international…).
Elles sont complaisantes lorsque ces analystes sont dans le pouvoir. Ces derniers estiment qu’au regard du savoir-faire dont ils engrangent, par rapport aux moyenâgeux qui les entourent, ils méritent de grimper les échelons et d’être promus.
Pour ce faire, ils défendent, bec et ongles, les choix arrêtés, même si ces options sont en totale contradiction avec les intérêts supérieurs du pays.
Programme de réformes structurelles (PRS)
C’est dans cette optique que des «économicistes» constituants ont soutenu presque, aveuglément, le nouveau programme de réformes structurelles (PRS) qui ne serait qu’un Plan d’ajustement structurel masqué avec tous ses corollaires (bradage des entreprises publiques par l’effet de la privatisation, la réduction de la compensation, la précarité de l’emploi par le développement de la sous-traitance…).
Pour mémoire, ce PRS a permis à la Tunisie de bénéficier du Fonds monétaire international (FMI) de facilités de caisse assorties de conditionnalités d’un montant de 2,7 milliards de dinars, soit environ 1 point de croissance. Le pays aurait pu faire l’économie de ce montant si jamais le gouvernement de la Troïka avait pacifié le bassin minier, ouvert des perspectives de développement pour ses habitants et surtout lutté avec l’efficience requise contre la contrebande.
Les soi-disant think tank de l’économie du pays n’ont jamais jugé utile de débattre de ces choix catastrophiques pour le devenir des jeunes générations.
Le débat économique, lorsqu’il est instauré, a collé à la triste actualité économique et aux crises qu’elle n’a cessé de générer. Ainsi, les cabotins de l’économie du pays se sont donnés à cœur joie pour commenter, expliquer, justifier, critiquer et déminer des documents techniques conjoncturels: communiqués mensuels de la Banque centrale de Tunisie (BCT), lois de finances hermétiques, trend haussier de l’inflation en raison des importations (inflation importée), la dépréciation du dinar face aux deux principales monnaies d’investissement et d’endettement (l’euro et le dollar), l’impact du terrorisme et de économie criminelle sur le tourisme, contrebande et terrorisme…
Seulement, à aucun moment ces «économicistes», férus des recettes des bailleurs de fonds et piégés par l’actualité précaire par laquelle est passée la Tunisie, n’ont pris conscience du fait que nous sommes toujours en période révolutionnaire et que le moment est propice pour un discours économique révolutionnaire, un discours de rupture avec les ordres passés et établis, voire un discours innovant favorisant la créativité et l’émergence de nouvelles idées.
Beaucoup d’atouts naturels…
Hélas, Ces économicistes n’ont jamais su libérer leur imaginaire pour réinventer le modèle de développement du pays, faire rêver les Tunisiens et leur démontrer qu’une autre économie est possible. C’était à cet armada d’experts de montrer que la Tunisie a tout pour réussir et qu’elle engrange de tous les éléments naturels (mer, soleil, Sahara, forêts, plaines, sous sol …) et humains (une population instruite et qualifiée) pour réinventer l’économie du pays et créer, par le biais de leur valorisation de ces atouts, un nouveau modèle de développement viable, équitable et respectueux de l’environnement.
Il faut dire que ce processus a été entamé au temps du gouvernement de Caid Essebsi quand ce dernier avait demandé à tous les départements d’élaborer des “livres blancs“ sur les perspectives de développement sur leurs secteurs.
Mais les Tunisiens sont plus ambitieux que ces ouvrages descriptifs. Ils rêvent de mégaprojets propres à métamorphoser radicalement leur quotidien et à inscrire le pays sur la voie pérenne du développement durable.
Des villes dotées de réseaux routiers modernes
A titre indicatif, ils rêvent de l’exploitation des 1.300 kms de côtes dans l’accroissement de la production halieutique et sa transformation, le développement intégré d’une industrie portuaire, le dessalement de l’eau de mer par l’énergie solaire et son utilisation dans l’irrigation…
Les Tunisiens rêvent d’une infrastructure de transport moderne: un TGV devant desservir le sud du pays, des métros dans toutes les grandes métropoles, des lignes ferroviaires reliant le sud et le nord, et l’est et l’ouest du pays, une autoroute reliant la capitale et les grandes villes du centre-ouest et du sud-ouest (Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa, Tozeur…).
Les Tunisiens rêvent de villes viables dotées de réseaux routiers modernes, d’universités, de chaînes hôtelières, de centres hospitalo-universitaires et d’hôpitaux bien équipés, d’établissements scolaires performants. Bref de toutes les commodités nécessaires pour y mener une urbanité sereine et une vie décente et digne.
Les Tunisiens rêvent du développement de leur agriculture et des services liés pour assurer leur sécurité alimentaire. A cette fin, ils rêvent du prolongement du canal Medjerda vers le sud, de l’utilisation de l’eau de mer à des fins d’irrigation de nouvelles cultures dans les oasis et le Sahara….
Les Tunisiens résidents dans les zones frontalières tuniso-algériennes et tuniso-libyennes rêvent de la conversion des postes de transit en zones de libre-échange créatrices de sociétés de services et génératrices de sources de revenus et d’emplois. Et la liste des projets rêvés est longue.
Cela pour dire au final que le Tunisien a besoin de rêver, et c’est permis pour peu que les économistes fassent preuve d’imagination…
A bon entendeur