Un groupe de travail a été créé au sein du Conseil national de la statistique (CNS), pour l’évaluation et la réforme du système national de statistiques, à travers l’élaboration de propositions visant la mise à niveau de la production de statistiques publiques.
Dans un entretien à l’Agence TAP, Farouk Kriaa, président du CNS, a précisé que le groupe en question, qui entamera ses travaux le 30 courant, se propose “de faire le bilan de l’ensemble du système, évaluer son rendement et pointer les défaillances, y compris dans le volet réglementaire”.
Les membres du groupe, représentent l’INS, plusieurs ministères ainsi que l’Ordre des ingénieurs, l’UGTT, l’UTICA, l’UTAP, des bureaux d’études marketing privés, les média… vont procéder à la comparaison entre le système tunisien de statistiques et ceux d’autres pays, en vue de favoriser son alignement sur le système mondial des statistiques et mettre des informations crédibles à la disposition des utilisateurs (décideurs, citoyens, société civile..).
Le système national de statistiques compte l’INS et 48 structures publiques, en charge des statistiques dans les différents ministères. Le CNS est chargé de la coordination entre ces différents organismes et l’organisation de la production statistique. C’est un organisme consultatif créé en 1999, qui ne produit pas de statistiques, mais met en place une concertation entre les producteurs et les utilisateurs des statistiques publiques.
Quand une information statistique fait défaut, a précisé M. Kriaa, le conseil se charge d’organiser les structures concernées pour sa production. En fait, plusieurs domaines ne sont pas couverts par les statistiques alors que la Tunisie est en reconstruction et doit mettre en place plusieurs réformes prioritaires.
Entreprendre des réformes sur la base de statistiques fiables
Pour le président du CNS, “il faut produire une information statistique qui permette d’entreprendre de grandes réformes dans des domaines, telles que la sécurité sociale, la fiscalité, l’éducation, la santé, l’agriculture..”.
“Toutes les réformes exigent une information précise sur la situation présente et une anticipation quant aux évolutions futures. Les statistiques constituent outil d’aide à la prise de décision politique, en ce sens qu’elles permettent aux responsables d’y voir clair, passer à la vitesse supérieure et préparer l’avenir”.
Il s’agit, d’après lui, de “développer de nouveaux créneaux mais aussi de s’intéresser aux domaines classiques insuffisamment couverts (les intentions d’investissements diffusées sans la vérification des réalisations effectives, l’enquête sur la consommation des ménages effectuée tous les cinq ans et non annuellement, la demande intérieure, les revenus des ménages…)”. C’est pour cela que le conseil compte proposer, en collaboration avec l’INS, “des domaines à couvrir absolument”.
Dans cette perspective, il a mis en place un groupe de travail formé de membres de l’INS et des ministères concernés, pour collecter des informations sur le secteur des services (60% de l’économie tunisienne), étant donné que les indicateurs sur des domaines tels que le transport, les assurances, les banques, le commerce, les TIC, le tourisme…. ne sont pas suffisamment disponibles.
C’est ainsi que la BCT a demandé au conseil l’élaboration d’un indice sur “la fragilité financière des ménages, à travers l’évolution du prix moyen du logement”. Un groupe formé de représentants des finances, de l’équipement, des domaines de l’Etat, de la SNIT, de l’UTICA… a été formé à cette fin, et cet indice devrait être prêt d’ici une année.
Le CNS est en train d’élaborer un rapport qu’il soumettra à la présidence du gouvernement, sur le système national de statistiques, comportant des propositions pour améliorer la production existante et la compléter, et aussi s’adapter aux besoins de l’environnement international.
Pour cela, il se réunit avec les structures statistiques des ministères ainsi qu’avec les statisticiens travaillant dans les régions, “pour faire un diagnostic partagé de leur production et proposer des solutions concertées”.
M. Kriaa a fait savoir qu’une mission d’Eurostat (direction générale de la Commission européenne, chargée de produire les statistiques officielles de l’UE) entreprend, actuellement, une évaluation du système national des statistiques, pour aider à sa mise à niveau. Il considère que “les statisticiens font correctement leur travail, en Tunisie, conformément aux normes techniques, mais qu’il n’y a pas suffisamment d’analyses de ces statistiques. Dans le passé, c’étaient les hommes politiques qui retardaient, sciemment, la publication des statistiques, surtout celles relatives au taux de chômage, jusqu’à ce qu’elles soient dépassées, n’étant diffusées qu’avec des années de retard”.
Concernant le secteur privé, le CNS envisage de proposer la mise en place d’un “guide des bonnes pratiques” pour les bureaux d’études marketing et de sondages d’opinion privés, en vue “d’instaurer des règles de bon comportement”. Il va même proposer de mettre en place une autorisation d’exercer pour les bureaux privés.
Recruter des statisticiens pour promouvoir les statistiques
“Au plan national, la Tunisie compte entre 1.000 et 1.200 statisticiens”, leur nombre étant insuffisant, le conseil “propose le recrutement, par les structures publiques, de statisticiens qualifiés”.
“Le secteur privé est à ce niveau plus réactif”, a relevé le président du CNS, jugeant, aussi, important de “former le personnel en place, notamment au niveau des régions, qui comptent seulement 550 statisticiens, qui n’ont pas tous la formation technique requise”.
Concernant la création d’un institut africain des statistiques à Tunis, dont la décision a été prise en janvier 2013, lors du 20éme sommet de l’Union africaine, à Addis Abeba, le plan d’affaires de cet institut est actuellement à l’étude. En février prochain, une délégation d’experts en statistiques de l’UA viendra en Tunisie pour discuter de ce projet avec le CNS.
Le conseil compte lancer, d’ici trois à quatre mois, un site web comportant des liens vers l’ensemble des structures publiques, faisant partie du système national des statistiques.
Il a enfin entamé, fin décembre 2013, sa deuxième enquête sur la satisfaction des utilisateurs des statistiques pour l’année écoulée. Les résultats seront prêts d’ici fin février, début mars 2014. La première enquête avait fait ressortir un indice général de satisfaction de 5,19% sur 10, en 2012.
“En dépit du fait qu’il dépasse la moyenne, l’indice global de satisfaction demeure insuffisant et mérite un effort spécial de la part des producteurs de la statistique publique pour une meilleure adéquation à la demande”, avait souligné le CNS, au regard de ce résultat.