Après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement, des voix se sont élevées pour se réjouir de la victoire du peuple tunisien à l’occasion de l’aboutissement du consensus. Cependant, l’émotion ne doit pas cacher les soucis inhérents à la lourdeur de la mission de ce nouveau gouvernement et au fardeau des défis à relever.
Techniciens, financiers et acteurs du monde des affaires commencent à évoquer l’importance de la définition des priorités et des facteurs clés pour réussir le plan d’action de Mehdi Jomâa pour la prochaine étape.
Le désormais président du gouvernement a insisté sur l’impartialité et la neutralité eu égard à tous les partis politiques pour parvenir à concrétiser ses objectifs.
Dans ses brefs discours, Mehdi Jomâa a dit être parvenu à composer un gouvernement qui est conscient des enjeux qui se présentent tout en promettant de concilier entre les exigences des réformes, principalement d’ordre monétaire et financier, avec les aspirations sociales malgré les difficultés qui vont s’imposer pour résoudre cette équation à paramètres complexes.
Pour ce qui est des défis brûlants, il s’agit, évidemment, du social, du sécuritaire, de la révision des lois et projets de lois macabres pouvant déstabiliser les finances et l’économie du pays, et de la réalisation des exigences de la feuille de route du Quartet se rapportant à l’annulation des décisions relatives aux nominations partisanes, à la dissolution des ligues de protection de la révolution et à l’organisation des élections selon les normes et au-dessus de toutes les ambiguïtés.
Le redressement même partiel de la situation économique est, en toute évidence, sous la loupe de la communauté financière locale et internationale. La confiance est relativement de mise, Et pour cause? Les biographies présentées des ministres et des secrétaires d’Etat du gouvernement Mehdi Jomâa sont impressionnantes et pourraient être rassurantes sur deux plans.
D’abord, selon l’avis de plusieurs investisseurs et financiers tunisiens et étrangers, l’équipe est dotée d’un savoir-faire adéquat pour gérer les changements et agir en temps de chocs. Ensuite, celle-ci possède un rayonnement international confirmé par l’expérience de la majorité de ses membres à l’échelle mondiale pour mener des négociations délicates avec les instances financières internationales, les investisseurs de référence et les maisons de notation.
Sur le terrain, les questions posées se rapportent, essentiellement, aux marges de manœuvre disponibles, réellement, pour résorber un déficit budgétaire aggravé de façon exponentielle par un service de la dette démesuré, des charges gouvernementales de fonctionnement conséquentes et un écart de taille au niveau du secteur extérieur.
L’inflation galopante et le niveau d’efficience très faible des entreprises tunisiennes ne peuvent que compliquer les démarches d’ajustement.
Toutefois, pour le nouveau gouvernement et selon les grandes lignes dévoilées au niveau des objectifs, les priorités s’articulent autour de la réduction du chômage, le renforcement de la coopération internationale et la révision des nominations, en particulier celles en rapport avec les élections, en s’attachant aux circonspections liées aux obligations d’impartialité et de loyauté à la nation.
Ceci doit, nécessairement, se faire sur la base de l’affinement du mode de gouvernance actuellement hors standards dans nos établissements publics et nos institutions où le despotisme et le népotisme sévissent sur fond d’incompétence et d’incapacité à gérer même les affaires courantes.
La débâcle que vivent les collectivités locales est le meilleur exemple pour illustrer le phénomène d’une mauvaise gestion ressentie désormais comme ordinaire mais qui a détruit l’environnement avec des menaces sanitaires graves et qui a déballé l’image de tout un pays.
Afin de mettre en exergue la volonté annoncée par le président du gouvernement pour relancer la valeur du travail, notamment dans l’administration publique, la restauration de la puissance de l’Etat, le respect aux institutions et l’instauration d’une trêve sociale le temps de redresser la barre économique, un effort important doit être déployé au niveau du soutien de l’entreprise et des institutions financières, véritables dynamos de l’économie.
A ce titre, plusieurs questions se posent: comment juguler le déficit de liquidité bancaire hypothéquant, aujourd’hui, le concours des établissements de crédits à l’entreprise qui souffre du resserrement du crédit et des taux d’intérêt excessifs? Quelles sont les pistes à suivre pour se doter d’un régime de change freinant la descente de la cotation du dinar aux enfers? Par quels moyens pourrait-on éviter les méfaits d’une politique monétaire qui mènerait, probablement, vers l’adoption du système d’assouplissement qualitatif dont les nuisances sont graves pour tout le dispositif financier?
Les enjeux sont de taille pour assurer un équilibre même instable au niveau de la synergie sectorielle et pour redonner confiance aux tunisiens en pertes de repères et très attentifs au devenir de leur nation qui a été tiraillée durant des années par des turbulences politiques et des interférences de tout part.
Le salut de la Tunisie dépend, selon la classe politique, les grandes institutions syndicales et patronales et autres qui ont tenu le coup du dévouement au pays et de la sincérité des gouvernants et de leur aptitude à manœuvrer dans un terrain difficile au vu de l’importance des attentes, spécifiquement sociales, pour redonner une lueur d’espoir et éviter un chavirement qui n’épargnerait personne.