Les processus constitutionnel et gouvernemental achevés, l’électoral suivra bientôt, la Constitution adoptée, le gouvernement mis en place, toutes les réserves mises de côté… il va falloir passer aux choses très sérieuses!
A l’horizon d’une année au maximum, peut-être même avant, il y aura les élections! Présidentielle, législatives, les deux à la fois, séparément? Elles auront lieu ces élections! Et là alors, mesdames et messieurs les politiciens, comment allez-vous faire? Appeler le quartet pour vous faire gagner?
Parce que si nous dépassons l’euphorie et que nous regardons de plus près les coins et recoins de la scène politique, nous constatons que les évolutions enregistrées et les recompositions opérées, bien qu’importantes, risquent fort de ne pas trop bousculer les rapports de forces issus du 23 octobre et, il y a même un risque de voir Ennahdha remporter haut la main les prochaines élections et cette fois pour de bon.
Tous les paris ont été boostés par la fulgurante irruption de Nida Tounes sur la scène et les scores que les instituts de sondage lui donnent. Le parti de BCE a réussi très vite à rééquilibrer une scène où les partis dits de gauche ou démocratique ont perdu lors des élections du 23 octobre. Introduire un équilibre avec Ennahdha a été le pari gagnant de BCE et son rival islamiste a fini par négocier avec lui la sortie de la crise après le 25 juillet.
Cependant, les choses ne se passent pas comme prévu chez Nida Tounes, car depuis septembre dernier, on assiste à un effritement de son audience, certes relatif mais réel! En plus, il ne se passe pas une semaine sans que nous entendions parler des démissions dans les régions et même au sein de la direction nationale. Les responsables du parti minimisent ces démissions et tablent fort sur le prochain congrès pour dynamiser une structure qui peine à se stabiliser.
Un autre parti qui a beaucoup perdu depuis la révolution et surtout depuis le 23 octobre, c’est le Parti Républicain. Capitalisant sur l’héritage prestigieux du PDP, la direction du parti, centrée sur l’ambition présidentielle de son fondateur, Néjib Chebbi, a perdu de l’audience, de la crédibilité et de la capacité à mobiliser. Les derniers soubresauts du Dialogue national et les embrouilles répétées d’Al-Joumhouri, avec particulièrement ses alliés de Nida Tounes, ont fini par l’isoler; et il se retrouve seul, appauvri de certains de ses meilleurs militants qui ont fondé l’Alliance Démocratique autour de Mohamed Hamdi. Al-Joumhouri n’est crédité que de quelques 2 à 3% des sondages dans le meilleur des cas, et il serait incapable de peser dans une future alliance quelle qu’elle soit, surtout que Chebbi continue à se croire le plus présidentiable des hommes politiques de la nation.
Ne parlons pas de deux grands perdants de l’expérience de la Troïka que sont le CPR et Ettakatol. Ces deux partis, qui ont très bien géré les élections du 23 octobre, ont fait fausse route en croyant pouvoir influencer Ennahdha dans une alliance soi-disant islamo-laïque. Dans tous les sondages, depuis deux ans, ils enregistrent un recul effroyable, et il serait peu probable qu’ils reviennent aux chiffres qu’ils ont eus aux premières élections. Un travail colossal les attend afin d’essayer de regagner un tant soit peu de confiance des électeurs pour continuer tout juste à exister!
Le Front Populaire paraît en bonne position, se classant dans les intentions de vote toujours en 3ème position avec des scores aux alentours de 10%. Mais ces chiffres là, bien que très positifs et révélateurs de la justesse de la création du Front, ne traduisent qu’une partie de la réalité. Le FP se composent de plus de 12 petits partis qui ont démontré leur incapacité à mobiliser à plusieurs reprises.
Cette alliance devra bientôt se décider pour des listes communes ou des listes partisanes lors des prochains rendez-vous électoraux. Là les choses se corsent. L’audience des leaders comme Hamma Hammami est certes intéressante mais ne garantit absolument pas grand-chose dans un scrutin national d’envergure.
Les deux grands martyrs de la Révolution et du Front, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, mobilisent certes des milliers de personnes mais à eux seuls ils ne peuvent pas constituer une alternative à ce peuple de gauche qui se cherche dans un quasi désert d’idées neuves dans son camp.
Beaucoup de travail attend le Front Populaire et beaucoup de discipline et d’innovation doivent être déployés si cette formation veut capitaliser sur la sympathie qu’elle détient aujourd’hui pour peser dans les décisions de demain.
Voilà le tableau de l’autre côté du ring face au parti de Rached Ghannouchi. Si rien n’est fait, il y a des fortes probabilités pour que le parti islamiste et ses satellites comme Al Mahabba et Wafa et autres reprennent le dessus, et on aura alors de nouveau un gouvernement islamiste mais cette fois pour cinq ans –au moins- et avec les pleins pouvoirs!