L’Argentine impuissante face à l’hémorragie de devises

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à Buenos Aires le 27 janvier 2014 (Photo : Leo La Valle)

[30/01/2014 17:23:21] Buenos Aires (AFP) L?Argentine semble impuissante face à l?hémorragie de devises, deux milliards de dollars pour le seul mois de janvier, et tente de convaincre les industriels de limiter la hausse des prix.

Depuis le record de début 2011, les réserves ont diminué de 52 milliards de dollars à 30,5 fin décembre à 28,5 mercredi, selon des chiffres communiqués par la Banque centrale de la République d’Argentine (BCRA).

“C’est dangereux, au bout d’un moment l’Argentine ne pourra plus intervenir par le biais de la Banque centrale et le peso va se dévaluer encore plus”, avertit Stéphane Straub, économiste de la Toulouse School of Economics.

La BCRA est régulièrement intervenue, puisant dans les réserves, pour soutenir le peso argentin. Après une dévaluation annuelle de 24% en 2013, le peso s’est déprécié de 18% en janvier. Cette mesure satisfait les exportateurs, mais inquiète les importateurs.

Les achats de carburants à l’étranger depuis 5 ans et le règlement des échéances de la dette ont entamé les réserves de la 3ème économie d’Amérique latine, en marge des marchés internationaux de capitaux depuis une décennie.

Après avoir imposé un sévère contrôle des changes en 2011 après la réélection de la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, Buenos Aires a assoupli cette semaine l’accès au dollar pour les particuliers, autre source de fuite des devises car les Argentins, méfiants, craignent de les conserver dans les banques locales, traumatisés par la crise de 2001 qui les avait privés de leurs économies en devises.

Tant que les matières premières agricoles se vendaient à un prix élevé, l’Argentine pouvait se permettre sa “politique irraisonnable”, “mais la situation se renverse un peu. Ce n’est pas soutenable à long terme”, poursuit l’économiste pointant le déficit entre les dépenses et les recettes de l’Etat, et le recours à l’émission de monnaie.

Depuis 10 ans, les exportations agricoles, notamment de soja, sont la principale source de devises de l’Argentine. Elles ont notamment permis au pays de sortir de la crise économique de 2001 et de rembourser une grande partie de sa dette.

La diminution des réserves monétaires en devises s’est aggravée depuis fin 2013 par une rétention des récoltes de la part des agriculteurs qui ont suspendu leurs exportations, déroutés par les fluctuations du peso, qui s’est finalement stabilisé.

“Il y aura un répit quand les récoltes de soja seront vendues”, prévoit Stéphane Straub.

Abus

Sur le front de l’inflation, autre grand défi de l’Argentine, le gouvernement a adopté une attitude musclée vis à vis des industriels et de la grande distribution.

Jugeant qu’il y avait eu des abus dans les hausses de prix depuis la brusque dévaluation du peso de 14%, les 22 et 23 janvier, le ministre de l’Economie a contraint les enseignes à revenir aux tarifs en vigueur le 21 janvier et menacé de sanctions les contrevenants.

Le ministre a mis en garde contre des hausses de prix démesurées et exigé “que personne ne mente, ni ne vole les gens car la majorité des prix dans le pays ne dépendent pas du taux de change du dollar”.

Pour l’électronique et l’électro-ménager, le ministère de l’Economie a établi un plafond de 7,5% de hausse des prix, indiquant que la fabrication de ces appareils se faisaient à partir de pièces importées, donc impactées par la variation du taux de change.

Pour 2014, les instituts d’études privés prévoient une inflation d’au moins 30%. Pour 2013, l’indicateur gouvernemental critiqué par le FMI affichait 11% d’inflation, alors que les instituts privés l’ont estimée à plus de 25%.

Le gouvernement a maintenu un programme de prix contrôlés conclu avec la grande distribution, portant sur 200 produits de première nécessité.

L’Argentine, qui compte cependant pour 2013 sur une croissance de l’ordre de 5% (janvier-septembre) et une balance commercial positive de 10 milliards de dollars, traverse depuis quelques mois une phase de turbulences.

Outre l’Argentine, d’autres pays émergents comme la Turquie, l’Afrique du Sud ou le Brésil ont récemment vu leur monnaie se déprécier face au dollar.