Chaque visite est un passage sur le grill. On sait, depuis toujours, qu’il ne sert à rien de courtiser le boucher, puisqu’on le paie. Mais sous le mandat de la Troïka, le boucher inverse les rôles et c’est lui qui nous pousse à prendre nos distances.
Ce professionnel, qui se contentait de saigner les bêtes, s’en prend à ses clients et… sans faire de quartier. La note du boucher est devenue rouge hémoglobine. Les sommes qu’on nous demande ne peuvent être réglées que par chèque. Je n’en connais pas qui transportent de telles sommes en liquide.
Décidément, la Troïka a accompli deux miracles sans précédent. Le premier est de nous contraindre à la diète au vu du prix auquel se vend la viande sous son mandat. Le second, tout aussi spectaculaire, est qu’elle a réussi à hisser la boucherie au rang de “pharmacie“. Au moins chez l’apothicaire on a le retour d’assurance. Mais chez le boucher, ça passe par pertes jamais par profits.
C’est terrible! Comme le boucher devient infréquentable, ces temps de Troïka “aigüe“. On nous rassure avec l’arrivée de Mehdi Jomaa que l’épidémie pourrait retomber. Le prix de la viande ne cesse de grimper depuis l’arrivée de la Troïka, vous l’avez bien remarqué. L’ennui est que les sages qui ne le sont pas de même que les économistes improvisés et tous les philosophes de la misère d’esprit et de l’indigence intellectuelle nous assomment avec cette complainte “mon cher ami, fuyez la viande et son prix finira par revenir à la normale“. La fuir? Mais on ne fait que ça depuis des mois. Et à présent, c’est elle qui nous snobe. Allez y voir à quel prix elle s’affiche.
On se fait toujours écorner chez le boucher
Avec ces temps bénis de Troïka, on ne sort jamais indemne de chez le boucher. Chaque fois on est marqué au fer rouge comme du bétail. C’est d’une muflerie, sans pareil. Sans vergogne, on se fait dépouiller et tout cela pour faire bouillir la marmite. On passe immanquablement à la casserole quand on ne se fait pas hacher menu. Ce ne sont pas à proprement parler des temps de vache maigre que nous vivons car les bêtes sont bourrées aux hormones, et le boucher trouve à défendre son bout de gras, mais des temps de vache rare. Quand on sait que “rare“ signifie en anglais “daignant“, on se dit vacherie de misère, le client se fait paître! C’est trop injuste, de se faire étriper par son boucher.
Les étiquettes qui valsent
Les temps sont durs, on vous dit. Bernard Tapie avait lâché une fois qu’il était bien inspiré: “En ménage, pour avoir la paix, il faut commencer par garnir le frigo“. Cependant, les jeunes, de même que les vieux, les dames et messieurs réclament d’abord et avant tout de la viande dans leur assiette. Alors on ne peut pas y couper, il faut du bifteck dans le réfrigérateur. Et, quand vous allez en chercher, on vous fait mordre la poussière.
Dans le métier de la finance, les traders ont pris pour mascotte le buffle. Ils lui ont dressé une statue à Wall Street. Et quand le marché s’emballe, les traders disent le temps est “Bullish“. Qu’ils sachent que c’est régulièrement “Bullish“ chez le boucher, le mien en tous cas. Je le trouve de plus en plus carnassier, car il ne manque jamais de me dévorer.
Récemment je voulais lui faire prendre conscience de l’envolée de ses prix, il se trouve que je m’y suis prix avec mes grands sabots. Je lui ai dit «Vos prix ont attrapé la fièvre“. Cela ne l’a pas désarçonné pour autant. Il était sûr de lui comme au rodéo. Il confirme. «L’Etat ne voulant pas importer de viande rouge de l’étranger, alors les hôteliers et autres restaurateurs s’approvisionnent en viande locale et cela fait que les prix augmentent», a-t-il enseigné.
Je le remercie pour le cours d’économie et je calcule le dernier bond de prix. Cela fait bien 25% de plus que la dernière fois. Et, celui-ci de rajouter “au minimum“.
Mme Karboul entend refaire le plein des hôtels, pour tout de suite. Ce serait bien qu’elle prenne ses dispositions en la matière. Il ne faudrait pas que l’on soit jeté en pâture.