à Paris, le 1er mars 2013 (Photo : Kenzo Tribouillard) |
[05/02/2014 13:08:00] Les Sables-d’Olonne (France) (AFP) Accords internationaux de libre échange, scandale du horsegate, baisse de la consommation: la filière de la viande bovine réunie aux Sables d’Olonne jusqu’à jeudi avoue son désarroi face à ce qu’elle ressent comme de la “précarité”.
“Oui, c’est un secteur en danger, qui emploie 800.000 personnes”, résume Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la Fédération nationale bovine (FNB), qui cite les conclusions de la mission parlementaire créée après l’affaire des lasagnes au cheval, en février 2013.
Celle du Sénat concluait à “un modèle économique dans l’impasse, appelant un plan de relance sans précédent face au déclin préoccupant de la filière”, confrontée de surcroît à “des attentes sociétales contradictoires” entre bien-être animal et viande pour tous – et pas cher.
La baisse de l’abattage en 2013 – moins 6% en moyenne nationale, 11% chez le plus puissant du secteur, l’entreprise Bigard qui réalise 43% des abattages en France – accompagne la baisse régulière de la consommation depuis une dizaine d’années (encore -2,5% en 2013).
L’affaire des plats préparés au cheval faussement étiquetés “au boeuf” n’a pas arrangé les choses et le secteur, toutes viandes confondues, s’apprête à contre-attaquer avec un étiquetage “Viande de France”: il sera officiellement présenté le 11 février et surtout lancé en grande pompe lors du Salon de l’Agriculture dix jours plus tard à la Porte de Versailles à Paris.
“C’est une stratégie qui permet aussi de dénoncer la distorsion de concurrence avec les viandes en provenance de pays tiers” hors Union européenne, élevées sur des modèles qui n’ont rien de commun, comme les ranchs argentins hors sol de 30.000 têtes: “la tromperie du consommateur!”, reprend M. Fleury qui dénonce les injections de testostérone pour faire gonfler les muscles et le traitement désinfectant des carcasses.
Se tourner vers l’exportation
A cet égard, le projet d’accord de libre-échange signé par la Commission européenne en juillet avec le Canada, qui ouvre les portes de l’UE à 65.000 tonnes équivalent carcasses de boeuf canadien, angoisse d’autant plus la profession qu’il préfigure, pense-t-elle, le futur accord avec les Etats-Unis et celui, réactivé par Bruxelles, avec le Mercosur d’Amérique Latine dont le Brésil.
“L’accord canadien sera immanquablement utilisé comme référence pour l’accord UE-USA, avec des contingents 4 à 5 fois supérieurs”, redoute Guy Hermouet, vice-président de la FNB chargé de l’export.
La Fédération est aussi mécontente de la déclinaison française de la nouvelle PAC, la politique agricole commune qui était censée rééquilibrer les aides en faveur de l’élevage. “Il faut qu’un hectare de pâture devienne aussi rentable qu’un ha de céréales”, martèle M. Fleury – on en est loin.
Or, le prix payé à l’éleveur ne couvre même pas les coûts de production: à 3,82 euros le kilo-carcasse (non découpé) quand l’élevage d’un jeune bovin coute 4,50 euros du kilo, aides comprises, selon l’Institut de l’Elevage.
“La seule solution serait d’augmenter les prix mais la grande distribution nous entraîne dans une spirale mortelle et cette guerre stérile emmène tout le monde au trou”, juge le secrétaire-général.
Cet état des lieux est d’autant plus consternant pour les producteurs que, selon les prévisions de l’OCDE et de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, la demande mondiale, en particulier de la zone Asie-Pacifique mais aussi au Moyen-Orient ou en Afrique, devrait stimuler les exportations de 16% d’ici 2020 – essentiellement tirées par les Etats-Unis, le Brésil et le Canada.
Pour y voir plus clair sur son avenir, la FNB a d’ailleurs prévu de consacrer une large partie de son congrès aux perspectives d’exportation.
Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, qui passera par les Sables d’Olonne avant de se rendre jeudi en Algérie, compte bien exhorter les professionnels français à se tourner vers ce pays ravitaillé en zébus par l’Inde, passée en 2013 premier exportateur mondial de viande.
“Je souhaite vraiment que la France puisse faire une proposition sur la création d’une filière locale” en Algérie, a confié mardi le ministre à l’AFP.