évrier 2014 à Zrich (Photo : Michael Buholzer) |
[10/02/2014 18:40:10] Zurich (AFP) Le vote en faveur d’une limitation de l’immigration a suscité de vives réactions dans les milieux économiques suisses lundi, qui s?inquiètent pour le recrutement du personnel qualifié dont ils ont besoin pour assurer la croissance.
Les électeurs ont adopté dimanche par 50,3% des voix un texte intitulé “contre l’immigration de masse” qui va instituer des contingents annuels pour le nombre d’autorisations de séjour délivrées aux ressortissants étrangers, laissant un délai de trois ans au gouvernement et au Parlement pour le mettre en application.
Les milieux économiques s’étaient ouvertement prononcés contre ce texte, soumis par l’Union Démocratique du Centre (UDC), le parti populiste de droite.
“Les banques ont besoin d’employés qualifiés”, a réagi l’Association suisse des banquiers (ASB) dans un courriel à l’AFP, se disant inquiète pour le recrutement de futurs candidats dans le secteur.
Environ 25% des employés de banque sont originaires de l’Union Européenne, a rappelé cette association qui compte 333 établissements, dont Credit Suisse et UBS, les deux plus grosses banques du pays.
“L’ASB craint que les réserves de personnel qualifié disponibles viennent à diminuer maintenant”, a-t-elle ajouté, soulignant que les exigences au niveau des quotas risquaient d’ajouter des obstacles bureaucratiques supplémentaires.
L’association a estimé que le vote était “regrettable”, mais “devait être accepté”, et a insisté sur la nécessité de trouver une solution raisonnable avec l’Union Européenne afin de préserver l’accès des banques à ce marché.
Le résultat des urnes a également soulevé des inquiétudes dans le secteur de la pharmacie, la première industrie exportatrice de Suisse, qui recrute régulièrement au-delà de ses frontières pour faire venir dans ses laboratoires des chercheurs aux compétences pointues.
“Parvenir à une interprétation généreuse”
Le géant bâlois Novartis a dit prendre note de la décision du peuple suisse “avec une certaine préoccupation”, soulignant que son succès reposait en grande partie sur la capacité à recruter du personnel qualifié.
“Ce qui est crucial maintenant est la façon dont le système de quota va être mis en oeuvre”, a déclaré Pascal Brenneisen, le président de Novartis Suisse, dans un courriel à l’AFP.
“Nous allons suivre étroitement sa mise en oeuvre et feront tout notre possible pour parvenir à une interprétation généreuse pour limiter les dommages pour la Suisse en tant que centre d’affaires”, a-t-il poursuivi.
Dans l’immédiat, les répercussions économiques de ce vote sont encore difficiles à évaluer, dans la mesure où elles dépendent à la fois de la réaction de l’Union Européenne et du niveau de quotas que fixera le gouvernement.
Selon les économistes de Credit Suisse, il n’est pas encore possible à ce stade de fournir des estimations précises des conséquences à long terme pour l’économie helvétique, néanmoins ce vote devrait d’ores et déjà avoir un impact dans la mesure où il crée un climat d’incertitude pour les entreprises.
“A notre avis, il n’y a pratiquement aucun doute sur le fait que les sociétés suisses et étrangères qui envisagent des investissements (supplémentaires) en Suisse vont avoir au moins tendance à retarder les décisions, à la fois sur les investissements et les embauches supplémentaires”.
Cette décélération de l’investissement pourrait réduire la production économique de 1,2 milliard, soit 0,3% du produit intérieur brut (PIB), durant les trois années précédant l’instauration de quotas et se traduire par un manque à gagner de 80.000 emplois.
Depuis plusieurs mois, les économistes de Credit Suisse défendent l’idée que l’immigration a été un des facteurs contribuant au succès de la Suisse, qui a bénéficié jusqu’à maintenant d’un “super-cycle”.
Alors que ses voisins européens étaient embourbés dans la crise, l’économie suisse a bien résisté ces dernières années grâce à la consommation intérieure et au boom de l’immobilier, soutenu par l’arrivée d’étrangers, souvent hautement qualifiés.
L’impact du vote pour le secteur de la construction pourrait donc être significatif, ont mis en garde les économistes.