élève depuis Kourou, en Guyane française, le 6 février 2014 |
[11/02/2014 12:57:36] Paris (AFP) L’arrivée des satellites à propulsion électrique bouscule les projets de l’Europe pour sa fusée Ariane, leader mondial, et pourrait repousser à 2025 l’avènement d’un nouveau lanceur Ariane 6, au vu des positions des principaux acteurs.
Le succès de l’Américain Space X, qui pratique des prix nettement inférieurs à ceux d’Ariane, augmente déjà la pression concurrentielle sur l’opérateur européen Arianespace, numéro un mondial des lancements commerciaux.
Mais l’attrait qu’exercent sur les clients les satellites à propulsion électrique pourrait aussi amener à modifier la configuration du lanceur européen.
Boeing a été le premier à proposer, en 2012, des satellites à propulsion tout électrique. Basée sur l’éjection de gaz xénon avec l’énergie électrique fournie par des panneaux solaires, elle ne servait jusque là qu’à corriger l’orbite pendant les quinze ans de vie du satellite et venait en appoint du moteur chimique, qui nécessite beaucoup de carburant. Les satellites tout électriques sont donc moins lourds, la masse d’un satellite de communication de six tonnes peut ainsi être réduite de moitié.
Pour répondre aux changements du marché, les 20 pays membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) étaient convenus fin 2012 de développer pour 2018 une nouvelle version de l’actuel lanceur Ariane 5, Ariane 5 ME (pour midlife evolution), en augmentant sa capacité d’emport à plus de 11 tonnes.
Simultanément, à la demande de la France, ils prévoyaient à l’horizon 2020 une fusée Ariane 6 moins chère, d’une capacité d’emport de 6 tonnes et qui ne serait plus contrainte de faire des lancements doubles. La nécessité de trouver à chaque fois deux satellites à emporter peut en effet entraîner d’importants retards de lancement.
Mais la position française a évolué et risque de se heurter à celle de ses partenaires lors de la prochaine réunion ministérielle de l’ESA en décembre.
“Une offre ultra-compétitive”
Comme l’expose mardi le rapport annuel de la Cour des comptes, Paris propose de renoncer à Ariane 5 ME pour limiter les coûts de développement. L’option alternative serait de “poursuivre les deux programmes, selon un calendrier à préciser, cette option (…) risquant de reporter Ariane 6 à un échéance plus lointaine – vers 2025”.
Ariane 5 ME a clairement la préférence de Berlin, principal partenaire de la France dans l’ESA. “La position allemande est que nous devrions continuer avec Ariane 5 ME pour arriver le plus vite possible sur le marché et réfléchir à ce que sera le futur lanceur”, a déclaré à l’AFP le directeur général de l’Agence spatiale allemande (DLR), Johann-Dietrich Wörner.
“Il ne sera pas possible de financer les deux programmes à 100% en même temps. Nous devons encore décider si nous nous lançons dans Ariane 6”, a-t-il ajouté. Pour lui, la nécessité de lancer les satellites par deux est certes une contrainte, mais présente l’avantage évident de réduire les coûts fixes.
Arianespace juge Ariane 5 ME particulièrement adaptée à l’arrivée des satellites électriques, dont Space X doit lancer les premiers exemplaires à la fin de cette année.
Après avoir réalisé une étude de marché auprès de 18 opérateurs et de constructeurs de satellites, “nous avons la conviction qu’avec l’arrivée de la propulsion électrique, il va y avoir beaucoup de satellites petits et moyens, et non plus une domination de gros satellites, comme observé ces dernières années”, a déclaré à l’AFP son PDG Stéphane Israël.
“Dans cette configuration, Ariane 5 ME, qui pourra emporter plus de 11 tonnes nettes, est vraiment intéressant pour Arianespace. Vous pouvez même mettre trois satellites dans ME, un gros et deux petits”, souligne-t-il.
Mais dans ce scénario, Ariane 6 aussi “aurait la puissance nécessaire pour en embarquer deux, proposant ainsi une offre ultra-compétitive”, ajoute-t-il.
Reste apparemment à décider du rôle d’Ariane 6. Elle aurait moins de gros satellites à lancer et devrait continuer à trouver des paires de petits. Et la Cour des comptes relève que dans sa définition actuelle, elle serait surdimensionnée pour des satellites institutionnels de taille intermédiaire, dont le lancement continuerait à être assuré par Soyouz.