ésident du Medef, à Paris le 5 février 2014 (Photo : Eric Piermont) |
[12/02/2014 15:51:00] Paris (AFP) Vraie maladresse de communication ou changement de cap idéologique, le patron du Medef Pierre Gattaz s’est mis en mauvaise posture avec sa tirade à Washington contre le Pacte de responsabilité.
“Il faut arrêter de gérer par la contrainte. Aujourd’hui, quand on parle de contreparties, j’entends aussi des gens qui disent +on va vous obliger, vous contraindre, vous mettre des pénalités, si vous ne le faites pas, on va vous punir+”: M. Gattaz, qui fait partie de la délégation accompagnant le président François Hollande dans sa visite aux Etats-Unis, n’a pas mâché ses mots devant quelques journalistes.
Si sur le fond, le chef de la plus importante organisation patronale ne fait que répéter ce qu’il dit depuis longtemps (pas d’engagements chiffrés d’embauches en échange des allègements promis), sur la forme ces propos ont choqué.
François Rebsamen, chef de file des sénateurs socialistes, a estimé mercredi que Pierre Gattaz devait apprendre “à se tenir”, tandis que le président des petites et moyennes entreprises, Jean-François Roubaud déclarait à l’AFP que “quand on est en visite d’Etat, on est là pour vendre notre pays, on n’a pas à étaler nos différends nationaux”.
Plus mesuré, le premier président de la Cour des comptes Didier Migaud a néanmoins souhaité mercredi que “chacun se retrousse les manches et ait un comportement constructif”.
Relâchement dans sa communication? Stratégie pour donner davantage de résonnance à la position du Medef? Prise de distance vis-à-vis des syndicats ? Plusieurs hypothèses sous-tendent les propos de M. Gattaz, auxquels le chef de l’Etat a répondu avec prudence, appelant depuis Washington les entreprises à prendre des “engagements” à un “niveau approprié”.
La sortie américaine de M. Gattaz “est d’une maladresse extraordinaire”, affirme à l’AFP Arnaud Dupui-Castérès, patron du cabinet de conseil en communication Vae Solis.
Pour lui, le discours défaillant de M. Gattaz, en poste depuis l’été dernier, “remonte plus loin”. “Il y a déjà ce chiffre du Medef, qui dit pouvoir créer 1 millions d’emplois en 5 ans en échange, entre autres, d’une baisse du coût du travail. Puis ces déclarations de Gattaz disant avoir apporté le Pacte de responsabilité sur un plateau au gouvernement”.
Le patron du groupe de distribution E. Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, qui ne cache pas sa distance avec le Medef, a lui estimé mercredi que M. Gattaz avait “fait croire aux politiques à l’équation ‘baisse des charges égale création d’emplois’, sauf que ce n’est pas lui qui va les créer”.
Pour Jean-Claude Volot, ancien membre de l’organisation patronale et qui connaît bien Pierre Gattaz, “Pierre est sincère dans ce qu’il dit, c’est un homme bon qui croit en tout le monde et qui ne se méfie pas du vice politique”, déplore-t-il.
Mais selon lui, le patron des patrons aurait surtout dû “être plus prudent”, et d’abord “ne pas partir avec Hollande”.
“C’est Gattaz et le Medef qui lancent le pacte de confiance, Hollande récupère le bébé, en fait son pacte à lui et met des contreparties aux allègements de charges !”, peste-t-il. Pour lui, ce qui compte, c’est d’abord la discussion entre partenaires sociaux, pas le débat avec le gouvernement.
Mardi d’ailleurs, à Paris, le Medef a tenté de calmer la tempête assurant être toujours ouvert au dialogue. Il a annoncé officiellement la tenue le 28 février de la première rencontre sur ce Pacte avec les autres organisations patronales et les syndicats.
Une manière de manifester sa bonne volonté alors que les syndicats lui reprochent depuis le début de traîner les pieds, rappelle Bernard Vivier, directeur de l’Institut supérieur du Travail.
Pour lui, Pierre Gattaz “est confronté en interne à une réalité forte, c’est-à-dire qu’il va falloir éviter le saupoudrage” de l’argent public et que le chiffrage des créations d’emplois n’est pas possible. Mais il se montre aussi “plus pressé de +dealer+ avec le gouvernement qu’avec les syndicats”, estime l’analyste.
Reste que nombreux sont ceux pour qui M. Gattaz porte les bons arguments. Denis Payre, entrepreneur et fondateur du parti politique “Nous Citoyens”, salue sa “cohérence” et explique: “C’est dans l’intérêt des entreprises de profiter du ballon d’oxygène (du Pacte) pour réinvestir” et éventuellement embaucher, mais “on ne peut absolument pas l’imposer, ce n’est pas comme cela que cela fonctionne”.