La notification de l’URSSAF* (Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales) à l’encontre de Quinta Communication et fondée sur une décision de redressement et de pénalisation pour non déclaration des techniciens français embauchés en Tunisie lors du tournage du film «l’Or noir» vient d’être déboutée. La Commission du contrôle de la réglementation du CNC (établissement public français dont les missions principales sont de réglementer, soutenir et promouvoir l’économie du cinéma en France et à l’étranger) a rendu une décision favorable au producteur tunisien dont la société est de droit français.
La décision représente un précédent en ce sens qu’elle imposera désormais aux entreprises cinématographiques opérant sur le site Tunisie d’appliquer la législation sociale en vigueur dans le pays d’accueil. Mieux encore, elle met sur le même pied d’égalité les techniciens locaux et ceux étrangers. Car, d’après la notification de l’Urssaf, le producteur exécutif tunisien devait s’acquitter des cotisations sociales des techniciens français dans leurs pays d’origine, ce qui l’aurait empêché de les embaucher, alors qu’entre la Tunisie et la France, il existe une convention générale datée du 26 juin 2003 sur la sécurité sociale ainsi que des modalités d’application de la convention en question datées de 2004.
Les techniciens concernés ont été déclarés et ont bénéficié d’une couverture sociale en vertu des accords tuniso-français. Ils avaient été embauchés par la société tunisienne de production, «Empire Productions» lors du tournage du film «L’or noir» qui s’est étalé sur 6 mois.
Précisons à ce propos que la législation tunisienne exige que tout producteur non tunisien, et dans ce cas précis «Quinta Communications», soit associé à un partenaire tunisien. C’est ce qui explique qu’en application de la législation tunisienne relative aux autorisations de production ou de tournage des films cinématographiques en Tunisie, la société française ait conclu un contrat avec la société Empire Production qui prévoyait, outre une participation au titre de coproduction financière, le rôle de producteur exécutif sur le tournage, ce qui explique son droit à recruter les techniciens.
L’article 5 de la convention tuniso-française de sécurité sociale affirme dans son premier paragraphe que les travailleurs exerçant leur activité en France et/ou en Tunisie sont soumis respectivement aux régimes de sécurité applicables en France ou en Tunisie ou à ces deux régimes en cas d’activités dans les deux Etats».
Ce qui justifierait amplement, d’après le ministère tunisien des Affaires sociales, soutenu par celui de la Culture sollicités par Tarak Ben Ammar, producteur et président de Quinta Communications, que la société Empire Production ait conclu des contrats avec les intéressés comprenant leurs affiliations et immatriculation en conformité avec les lois gérant les régimes de sécurité sociale en Tunisie et régissant les déclarations des salaires en vertu des contrats de travail à durée déterminée.
L’intervention des ministères tunisiens a porté ses fruits, puisqu’une décision de la Commission du Contrôle de la Réglementation du CNC en date du 9 décembre 2013 a été totalement favorable à Quinta Communications qui a obtenu gain de cause face à la partie plaignante.
La victoire de Quinta Communication est accessoire par rapport à l’importance du respect des conventions bilatérales signées entre la France et la Tunisie, considérées auparavant comme subalternes par rapport à la législation franco-française. Le fait d’appliquer les conventions signées entre les deux pays dans le cas de l’Or Noir crée un précédent.
Bien que l’on comprenne que la volonté d’application de la législation française en matière de sécurité sociale relève éventuellement des avantages accordés par celle-ci aux contribuables français, on saisit très mal le fait de vouloir occuper un statut supérieur à celui appliqué dans le pays d’accueil pour ce qui est des traitements accordés aux uns et aux autres. A savoir-faire, expertises et compétences égales, il est tout à fait naturel que l’on soit traité de manière égale d’autant plus que les accords bilatéraux et les conventions internationales sont systématiquement supérieurs aux législations locales.
A noter par ailleurs que le film “L’or noir“ a dépensé environ 12 millions d’euros en Tunisie (25 millions de dinars de devises) pendant la révolution, et a employé 40.000 fiches de salaires tunisiens, principalement dans le sud tunisien. La CNSS a encaissé plusieurs dizaines de milliers de dinars, qui ne sont donc pas versés aux caisses françaises. .