Mohamed Ennaceur reprend du service. Prenant son parti des principales formations politiques, il désigne son camp de manière ostentatoire. Le motif de son ralliement au parti Nida Tounes sonne comme un cri de guerre. On ne rejoint pas Nida Tounes, par hasard, signifie-t-il en substance. D’une certaine façon, il a arbitré le futur rendez-vous électoral!
Quand bien même il n’a pas été retenu pour succéder à Ali Laarayedh, Mohamed Ennaceur garde une aura intacte. Son crédit personnel n’a pas été entamé et l’homme se met en réserve de la République outre qu’il croit toujours à sa bonne étoile. Engagé, il ne résiste pas à l’appel de la patrie. La transition est en passe de s’achever et l’enjeu à venir est de taille. Il ne s’agit pas moins que de l’avenir de la deuxième République qui est à mettre en perspective.
Sans hésiter, il se jette dans la bataille. Choisissant de se ranger sous la bannière de Nida Tounès, il envoie un message fort, facile à décrypter. Par ici, le bon choix. Une option dont l’onde de choc prend pour point de mire le futur rendez-vous électoral qui sera décisif pour l’avenir du pays.
Un poids lourd!
Il n’y a pas de doute avec l’adhésion de Mohamed Ennaceur, Nida Tounes, en langage de chasseur de safari, se paie l’éléphant. Belle prise, en effet. Le parti fait un carton retentissant. Le personnage, à lui tout seul, peut faire la différence, dans un scrutin électoral. C’est inscrit dans le ciel, il y a des joueurs qui peuvent peser sur l’issue d’un match. Mohamed Ennaceur est de cette étoffe.
Incontestablement, c’est un homme d’Etat, aux états de service remarquables et au parcours prestigieux. Transparent, sans zone d’ombre, il ne traîne pas de casseroles.
Grand démineur des rapports entre partenaires sociaux, il est fin connaisseur de la réalité du terrain. L’homme n’a pas eu une retraite oisive. Hors le service public, il a continué à servir l’Etat, avec patriotisme. Avec panache. Il s’est lancé dans la consultance au service de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). Le développement durable est dans sa ligne de mire, c’est dire que l’homme est doué d’une vista.
Le champ associatif ne lui est pas étranger, non plus. Il a initié un partenariat pilote avec l’Italie mettant sur pied le festival de musique classique d’El Jem, dont il assure la présidence.
Sous ces facettes valorisantes, il a une posture de personnage phare. Son come back dans le sillage de la révolution est sans surprise et son passage au gouvernement de BCE avait été fortement apprécié.
D’ailleurs, cet examen de passage réussi l’a placé sur la “short list“ des nominés pour la succession d’Ali Laareydh. Sa candidature a failli aboutir. Le fait même d’avoir été écarté a redonné plus de lustre à son potentiel d’homme d’Etat. Son choix pour Nida n’est pas sans conséquence électorale, nous le croyons.
Nida Tounès, le bon choix !
A utiliser une imagerie populaire, on dira de Modamed Ennaceur qu’il est le gendre qu’on voudra exhiber en société. Et Nida Tounès l’a propulsé, instantanément, vice-président. L’adversité a écumé de rage jouant la carte de la déstabilisation. Tentative aussi machiavélique que désespérée. Il a été facile à Mohamed Ennaceur d’en démontrer l’absurdité, récupérant au passage un sacré bonus. Insidieusement, on laisse sous-entendre, avec une infinie malveillance, qu’il n’aurait été donc que le poisson pilote de Nida, dans la course à la succession. L’accusation ne semble pas coller au personnage. La ficelle est trop grosse.
Militant sincère, aux repères républicains avérés, l’homme est sorti indemne et revigoré de cette tentative de scandale. Servir, comme Premier ministre, était de son point de vue une façon d’endosser l’uniforme et de se mettre sous les drapeaux. Sa neutralité est au-dessus de tout soupçon, rétorque-t-il, serein.
A présent qu’il est dégagé de l’obligation de neutralité, il peut librement endosser une couleur politique, de son choix.
L’argument qui tue
L’heure est grave et l’engagement politique s’impose, laisse tomber tout sec, Mohamed Ennaceur. Tout le blablabla autour de la modernité de la Constitution c’est de la propagande. L’écosystème démocratique naissant est vulnérable. Il faut être sur terrain pour bétonner l’édifice de la deuxième République et la préserver de toute tentative de détournement. Son message, serein et apaisé mais ferme et sans ambages, est qu’il faut préserver la pérennité de la Tunisie et garantir la viabilité de la deuxième République. Et, c’est sous la bannière de Nida Tounes qu’il choisit d’accomplir cette tâche hautement patriotique. La messe est dite. Nida devient le bastion de l’engagement pour la patrie. Point à la ligne.
L’effet d’appel sur les destouriens de bon aloi
Aux destouriens sincères et patriotes, momentanément déboussolés, car sollicités de toutes parts, Mohamed Ennaceur leur indique la bonne adresse, the party to be. Restés attachés à l’idéal patriotique, ils sont en attente d’engagement. Et, il faut savoir qu’ils représentent un gisement structurant, dans la perspective d’un scrutin. De ce point de vue, Nida semble avoir bien ciblé sa politique de recrutement.
Il y a quelques jours encore, Omar S’habou, figure respectable de la sphère destourienne bon genre, militant aux convictions marquées, lutteur acharné aux repères patriotiques solidement ancrés, démocrate de bonne foi, annonçait un ralliement imminent. Si on y ajoute l’adhésion récente de Mohamed Ennaceur, on sent que Nida est en train de lancer une dynamique d’agglomération d’un parti national. Cette plateforme est destiné à devenir la bulle de la sécurité du modèle social progressiste dans lequel se reconnaissent les Tunisiens, dans leur grande majorité.
L’édifice mis en place, en arborant en avant-scène des icones destouriennes de bon aloi, conviendrait à tous les nationalistes et notamment aux destouriens de pure souche.
En ordre de bataille
Visiblement, c’est un chantier de constitution d’une force de frappe électorale qui se déroule sous nos yeux. Que peuvent, en face de cette lame de fond, les autres courants destouriens? Le jeu politique est cruel. A s’entêter à continuer à jouer perso, ils risqueraient de s’éparpiller. A s’obstiner à se démarquer de Nida, ils affaibliraient leur audience, et par la même leur poids dans les urnes.
Leur sens des réalités les pousserait-il, contraints et forcés, à prendre la vague afin de se protéger d’un sabordage électoral et à rejoindre Nida? Ce serait, d’une certaine façon, une coalition des braves car en bonne logique, Nida leur ouvrirait les bras. L’idée a pour elle d’être plausible. Il en résulterait une nouvelle physionomie de la scène politique dans le pays.
Nida, en remportant une victoire dans son camp, accentuerait par voie de conséquence la bipolarisation de la scène nationale. Cela pourrait annoncer une ère de grandes manœuvres.
Il y a de l’électricité dans l’air! .