Décidément nous sommes atteints, en Tunisie, d’une maladie contagieuse très dévastatrice: le nihilisme généralisé! Il suffit de nous voir et de nous entendre cette dernière semaine pour en comprendre les affres et pour en mesurer les ravages. Nous ne faisons plus confiance à quiconque et nous mettons en doute tout le monde. Les péripéties de l’affaire de Raoued et de celle de Borj Louzir sont les derniers exemples et malheureusement pas les seuls.
Depuis le 6 février 2013, toutes les polices du pays étaient à la recherche du terroriste Kamel Gadhgadhi, impliqué dans le lâche assassinat de Chokri Belaïd et dans bien d’autres actes terrifiants comme la mutilation de nos valeureux soldats martyrs à Jebel Chaambi. Finalement, la police réussit à le localiser et le cerner avec d’autres terroristes, puis le tue pendant l’affrontement! La première réaction de beaucoup de Tunisiens ne fut pas un cri de soulagement mais des questions insidieuses du genre: “pourquoi maintenant?“ – “Pourquoi on ne l’a pas capturé vivant?“ – “Qui a dit que c’est lui?“ – “Pourquoi il ne s’est pas fait sauter avec sa ceinture explosive?“
Le pire c’est que des responsables politiques de premier rang donnent cette voie de mise en doute et se demandent ostensiblement si on n’a pas tué Gadhgadhi pour étouffer l’affaire et ne pas monter jusqu’aux commanditaires.
On pourrait, à la rigueur, accepter l’expression des doutes de la part des familles des martyrs et comprendre leur désarroi, mais que des responsables politiques bafouent de cette manière les efforts et les sacrifices des forces de l’ordre dans un duel sanglant avec des tueurs de la pire espèce qui planifiaient de nous brûler, là on dépasse les limites de la décence!
Puis les médias se sont mis de la partie! Là on a vu, lu et entendu du tout et du n’importe quoi. Nous pouvons évidement concevoir les maladresses de certains et les attribuer au manque d’expérience et aux dépassements inhérents à une liberté mal maîtrisée. Cependant, certains journalistes et présentateurs sont allés trop loin en besogne et ont souvent confondu la recherche du scoop et de l’information à un procès en règle soit de la police, soit du gouvernement Laarayedh ou encore du Front populaire accusé par certains médias électroniques d’avoir fabriqué «ses martyrs»! Oui à ce point!
Gadhgadhi et compagnie n’étaient pas des anges et ne le seront pas. Plusieurs autres têtes brûlées de cette mouvance sont encore en cachette et peuvent à tout moment nous frapper. Ils ne croient pas à la liberté encore moins à la démocratie. Ils ne croient pas aux partis, ni aux médias, ni à la gauche, ni à la droite. Ils croient que nous sommes des «mortaddine», des apostasiés qu’il faut châtier par la mort. Ces gens-là, comme le cas s’est posé à toutes les démocraties posent le problème de savoir quelle liberté peut-on parler avec les ennemis de la liberté. De quels droits peut-on parler avec ceux qui nient le droit à l’existence des autres!
Se laisser aller sous prétexte de n’importe quel droit à défendre les indéfendables porte des coups bas à ce que nous aimerions construire pour notre pays et blesse gravement la mémoire de ceux qui sont en train de mourir tous les jours pour y parvenir!