En Alsace, un stage pour cadres au bord de la crise de nerfs

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Une femme parmi des hommes (Photo : Johannes Eisele)

[19/02/2014 07:32:45] Colmar (AFP) Les yeux rougis par des semaines de manque de sommeil, le visage amaigri, quelques entrepreneurs sont réunis pour un stage d’un genre particulier: trois jours de remise en forme physique et morale pour sortir de la spirale du “burn out”.

A Kientzheim (Haut-Rhin), petit village du vignoble alsacien, des chefs d’entreprises locaux ont mis sur pied le “Credir” – Centre d’entraînement pour dirigeants -, une initiative qui se targue d’être sans équivalent en France, spécialement conçue pour les cadres au bord de la crise de nerfs.

“La question du stress et de l’épuisement professionnel, c’est quelque chose qui est resté souvent tabou”, souligne le concepteur de la formation, Jean-Denis Budin.

Cette question est “devenue aujourd’hui beaucoup plus publique, malheureusement, dans des circonstances de crise, à travers des suicides dans certaines grandes entreprises”, souligne cet ancien chef d’entreprise, qui a lui-même été victime d’un “burn out”, ou syndrome d’épuisement professionnel.

Depuis son lancement en juin dernier, le Credir a accueilli 34 dirigeants et cadres en activité ou au chômage, ayant tous en commun de s’être sentis au bord du gouffre à cause de leurs difficultés professionnelles, financières et très souvent personnelles: ennuis de santé, tensions familiales?

A des années-lumière de l’image du patron sûr de son fait, Stéphane (*) avoue “ne plus parvenir à gérer” la baisse de marché sans précédent que subit sa petite entreprise de quatre personnes. “Je suis épuisé. C’est mon épouse qui m’a inscrit d’office au stage”, poursuit-il, la voix gagnée par les sanglots.

Coupés pendant trois jours de la frénésie des courriers électroniques et des appels sur téléphone portable, les participants enchaînent “récit de vie” pour libérer leur parole, échanges avec les autres membres du groupe ainsi qu’avec des dirigeants ayant vécu des expériences similaires, check-up médical, séances de jogging et formations plus classiques avec des experts juridiques et financiers.

– “On n’est pas seuls” –

“On prend en compte la personne dans sa globalité”, apprécie Gérard (*), un entrepreneur individuel qui s’est inscrit pour, dit-il, “sortir de ma solitude”.

Les participants sont particulièrement sensible au dialogue avec dix autres dirigeants passés par des phases identiques. “Cela nous montre que l’on n’est pas seuls à avoir vécu ces situations. Ces pairs ne sont pas dans le jugement, c’est plus important encore que leur exemplarité à s’en être sorti”, estime Pauline (*).

“Ils nous comprennent tout de suite. Grâce à cela, j’ai l’impression d’avancer en trois jours autant qu’en plusieurs semaines avant”, souligne Pascal Sire. “Jeté du jour au lendemain” par son employeur en décembre dernier, ce cadre-ingénieur de 57 ans se félicite aussi des séances de sport, “car le physique est le grand oublié d’habitude. Cela faisait des années que je n’avais plus marché deux heures dans la journée”, explique-t-il.

Le stage ne prétend pas donner au dirigeant les recettes miracles pour sauver son entreprise ni lui enlever tout son stress, mais lui redonner l’énergie pour rebondir, souligne Jean-Denis Budin.

“L’idée, c’est d’aider à sortir le dirigeant de la petite prison dans lequel il s’est enfermé”, poursuit l’homme qui a imaginé cette formule après avoir rédigé une thèse sur les chefs d’entreprise en difficulté.

Parmi les solutions pour s’en sortir, on peut par exemple s’investir dans une association pour “ne plus mettre toute sa vie sociale dans l’entreprise”, souligne-t-il.

Chaque stage coûte 3.800 euros pour une entreprise, finançables par les fonds de la formation professionnelle, ou 2.500 euros en général pour une personne physique.

Succès aidant, le rythme va s’accélérer: au vu des inscriptions et demandes de renseignements, le Credir prévoit de passer à deux sessions par mois d?ici à la fin du semestre.

(*) Certains prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés pour préserver leur anonymat.