Des bitcoins (Photo : GEORGE FREY) |
[19/02/2014 19:38:11] Washington (AFP) Elles existent en Amérique du Nord et en Europe et devraient bientôt conquérir d’autres continents: les bornes de changes de bitcoins, une monnaie virtuelle sur laquelle certains spéculent, partent à l’assaut du monde.
A première vue, la borne ressemble à n’importe quel distributeur de monnaie. Sauf qu’ici, les utilisateurs n’ont pas de carte bancaire et s’identifient avec la paume de leur main.
A la borne, les aficionados peuvent soit créditer leur compte en bitcoins, une monnaie qui n’existe que virtuellement, ou, à l’inverse, retirer de la monnaie sonnante et trébuchante en débitant leur compte.
Et le bitcoin a le vent en poupe. Si pour certains, la fluctuation de sa valeur représente un danger — il est passé de 1.200 dollars à environ 600 dollars ces dernières semaines — pour d’autres, c’est précisément son attrait principal.
Mark Williams, spécialiste de la gestion des risques à l’université de Boston, estime ainsi plus pertinent de voir dans le bitcoin non pas une monnaie mais un produit financier “à potentiel spéculatif”.
Du coup, pour M. Williams les bornes de change ne devraient pas être considérés comme des “distributeurs” mais plutôt comme “des machines à parier”.
L’année dernière, un Robocoin, borne conçue par une société américaine, a été inauguré à Vancouver au Canada. D’autres exemplaires devraient suivre à Austin, au Texas, et à Seattle, dans l’Etat de Washington, au nord-ouest des Etats-Unis.
“Nous avons affranchi les gens qui souhaitent vendre et acheter des bitcoins des barrières qui existaient”, se réjouit Jordan Kelley, le patron de Robocoin, lors d’une interview accordée à l’AFP. M. Kelley refuse toutefois de dire combien de bornes lui ont été commandées.
Il est vrai que ce marché naissant suscite bien des convoitises.
Mardi, la société Lamassu Bitcoin Ventures a inauguré sa propre borne d’échange dans une cave à cigares du Nouveau-Mexique, au sud-ouest des Etats-Unis, après d’autres inaugurations en Australie, à Helsinki, Berlin, Bratislava et Vancouver.
Reste l’épineuse question de l’origine des fonds qui transitent par ces bornes.
Trafic de drogues ou d’armes, blanchiment d’argent, les soupçons pèsent sur le bitcoin. Début octobre, les autorités américaines ont fermé la principale plateforme en ligne de commerce en bitcoins, Silk Road, qualifié d'”eBay de la drogue”.
-“Visibilité et traçabilité”-
à Vancouver (Photo : David Ryder) |
Robocoin dit fournir la borne à des gérants qui sont tenus de demander une licence auprès des autorités et de se conformer à la législation en vigueur contre le blanchiment d’argent, que ce soit aux Etats-Unis ou à l’étranger.
“Nous sommes conçus pour être en parfaite conformité” avec la réglementation fiscale, assure Jordan Kelley.
Pour s’assurer qu’ils ne se cachent pas derrière un quelconque anonymat, les utilisateurs doivent s’identifier avec la paume de la main. La borne compare ensuite les traits de leur visage avec la photo qui apparaît sur leur carte d’identité. Le contrôle comprend enfin une vérification destinée à s’assurer que l’utilisateur n’est pas recherché par la police.
“Nous fournissons un profil de nos clients qui permet aux gérants d’avoir une visibilité et une traçabilité complètes”, souligne M. Kelley.
De son côté, Lamassu, dont le siège est aux Iles Vierges britanniques, qui figurent régulièrement dans la liste des paradis fiscaux, dit suivre les consignes émises par la Fincen, le gendarme du Trésor américain en charge des crimes financiers.
Certains analystes se veulent d’ailleurs rassurants quant à la traçabilité des bitcoins.
Pour Staci Warden, du Centre pour les marchés financiers au sein de l’institut Milken, le bitcoin n’est pas anonyme, il est “pseudonyme”, puisqu’il est possible de remonter son origine et son parcours par le biais de registres.
Et de citer le récent cas des supermarchés américains Target dont le système avait été attaqué par des pirates, qui avaient pu accéder aux coordonnées de 70 millions de clients.
“Si Target avait utilisé les bitcoins, les comptes de 70 millions de ses clients n’auraient pas été mis en danger, tout simplement parce que Target n’aurait rien su de ses clients”, a expliqué Mme Warden lors d’une session de questions-réponses sur internet mardi.