Exploitation industrielle et agriculture paysanne : difficile cohabitation

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ésil, le 27 mars 2012 (Photo : Yasuyoshi Chiba)

[20/02/2014 08:29:02] Paris (AFP) Vitrine d’une modernité triomphante, le Salon international de l’agriculture de Paris promeut un secteur industrialisé, porté par la technologie et la mécanisation. Mais 80% de la production agricole mondiale reste assurée par les exploitations familiales.

Si les deux modèles coexistent, ils risquent de cohabiter de plus en plus difficilement à l’avenir, en concurrence l’un et l’autre pour la terre et l’eau, comme sur les coûts de production.

Pour la première fois la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, née après-guerre sur un schéma productiviste motivé par l’urgence, a consacré 2014 l’année de l’agriculture familiale : une façon de la “remettre au centre des politiques agricoles” et d’attirer l’attention sur sa “contribution significative à l’éradication de la faim et de la pauvreté” annonce-t-elle.

Pour l’agronome Marc Dufumier, professeur émérite à AgroParisTech, l’agriculture paysanne fixe justement la main d??uvre sur ses terres quand la mécanisation a tendance à vider les campagnes – “quand le chômage rural s’installe, c’est direct le bidonville” résume-t-il.

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éroport de Bangui, en Centrafrique, le 7 janvier 2014 (Photo : Miguel Medina)

Or, “les Etats n’ont pas assez investi dans l’agriculture ces dernières décennies et les paysans étaient trop pauvres pour le faire”, regrette-t-il. D’autant que “nos exportations leur causent du tort: entre le riz de Madagascar et celui de Camargue ou de Louisiane, il y a 200 fois plus de travail agricole” note-t-il. Comment lutter ?

– Des statuts qui évoluent –

A la place, “les dirigeants ont fait appel aux capitaux étrangers qui vont chercher avant tout le retour sur investissement” fustige M. Dufumier.

“La FAO se réveille un peu tard”, confie aussi Ward Enseeuw, chercheur du Centre international de recherche agronomique pour le développement (CIRAD) à Pretoria, qui évoque une forme de neutralité bienveillante, à la FAO comme à la Banque mondiale, envers les grands investisseurs.

“Même si, dans sa grande majorité, l’agriculture en Afrique reste familiale, en Afrique du Sud et ses voisins, comme le Mozambique, le Zimbabwe ou la Zambie, le modèle est en train de changer”, constate-t-il.

“Les plus petites exploitations vont vers des marchés de niche, du bio, des productions fragiles comme le raisin et certains fruits. Et les plus grandes contractualisent leur production auprès de grands groupes”. Ce qui signifie que le statut de l’exploitant change: “l’agriculteur devient salarié sur sa propre terre, ou un rentier qui ne travaille même plus sur l’exploitation”.

Ce modèle, explique-t-il, devenu fréquent en Afrique du Sud qui héberge de nombreux fonds d’investissements, des instruments financiers sophistiqués, un marché à terme, des assurances… se rencontre désormais ailleurs, en Afrique australe et de l’est.

– Vers des “filières fermées” –

M. Anseeuw étudie le développement de ces “entreprises inclusives: comment des acteurs dominants peuvent intégrer les petites productions”, surtout dans les fruits et légumes, ou la canne à sucre – des secteurs gourmands en main d’oeuvre que les grands investisseurs préfèrent sous-traiter.

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évrier 2014 (Photo : Sanjay Kanojia)

Ce nouveau paradigme permettrait alors de soutenir les deux types d’agriculture, indique-t-il. Tout en promouvant aussi des “filières fermées”, de la production à la transformation entièrement gérées par des investisseurs extérieurs.

Le chercheur en cite des exemples dans le secteur des céréales et celui de la brasserie (le groupe d’origine sud-africaine SABMiller est numéro 2 mondial). Ou encore Zambeef: le géant zambien du b?uf qui gère tout, des pâtures aux plats préparés.

“La juxtaposition des exploitations familiales et industrielles devient très compliquée. Le petit agriculteur n’a pas beaucoup de place, ou alors subordonnée, avec des marges de man?uvre étroites”. Et cette forme-là d’agriculture emploie très peu de main d??uvre: sept personnes par exploitation, contre plusieurs centaines auparavant sur une ferme moyenne de 2.000 hectares.

“Ce n’est pas encore le modèle dominant, mais c’est en cours”, prévient Ward Anseuuw.

Le Brésil a réussi sous la présidence de Lula à développer l’agriculture familiale simultanément à l’agrobusiness triomphant, avance en revanche Paolo Groppo, spécialiste du développement rural à la FAO et du Brésil qu’il connaît bien. “L’énorme fossé qui existait avant 2001 entre les deux a été réduit”.

Le pays a pris conscience de l’urgence à maintenir un emploi rural qui rend aussi d’autres services à la société, de gestion des territoires et protection de l’environnement. “C’est un long chemin, conclut-il. Mais les révolutions ne se font pas en un jour”.