Kamel Morjane, ex-chef de la diplomatie tunisienne au temps de Ben Ali et actuel président du parti El-Moudara, s’est distingué, ces derniers temps, par ces appels aux rassemblements et à la réalisation du maximum d’alliances en prévision des prochaines élections. Son ultime objectif est, certes, d’éviter la débandade qu’avait connue l’opposition un certain 23 octobre 2011, mais surtout de préserver l’unité nationale et de servir l’intérêt supérieur de la Tunisie. Sa vision en la matière est fort intéressante et mérite qu’on s’y attarde.
Gros plan sur un personnage occulté, à tort, par les médias.
Pour le moment, Kamel Morjane est un homme heureux. Et pour cause: la justice vient de lever l’interdiction de voyage prononcée à son encontre et partant de le blanchir dans l’affaire relative au financement du parti dissous, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD).
Conséquence: fort de retrouver sa totale liberté d’action et son franc parler, il commence à étayer, dans les médias, son approche de la Tunisie postrévolutionnaire.
Pour mémoire, rappelons que Kamel Morjane est bien implanté et bien apprécié dans son fief à Sousse. Malgré sa diabolisation, après la révolution en tant que “résidu RCDiste non souhaitable“, il a permis à son parti de remporter, lors des dernières élections, cinq sièges à l’Assemblée nationale constituante (ANC), ce qui constitue en soi un exploit.
Aujourd’hui, Al Moubadara, parti modéré à référentiel destourien, est tiraillé entre deux objectifs majeurs.
Le premier consiste à contribuer au rassemblement des diverses composantes de la famille destourienne. Le souhait le plus cher à Kamel Morjane est de voir cet objectif se consacrer à l’occasion de la célébration, le 2 mars prochain à Ksar Helal, du 80ème anniversaire du Parti libre destourien. L’objectif est de se présenter en front uni lors des prochaines échéances électorales.
Le second est un corollaire du premier. Il s’agit de s’allier ensuite à des mouvements politiques modernistes réformistes. Dans ce contexte, il n’a pas écarté son adhésion à l’Union pour la Tunisie (UPT). Dans une interview à une radio privée locale, il a déclaré avoir discuté de cette question avec Taieb Baccouche, secrétaire général du parti Nidaa Tounès, et avec les cadres du parti Al Massar lesquels ont accueilli favorablement la demande.
Pour lui, son parti est en train d’étudier sérieusement ce dossier et ne manquera pas de prendre sa décision. C’est tout juste une question de procédure.
Selon nos informations, cette décision sera prise au terme de la célébration du 80ème anniversaire du Parti libre destourien.
Bien avant son projet d’adhérer à l’UPT, Kamel Morjane avait souhaité intégrer, avec son parti, Nidaa Tounès dont le président se réclame comme lui du référentiel destourien, mais les mécanismes d’adhésion à ce parti se sont avérés dissuasives en ce sens où l’adhésion se fait à titre personnel et à la condition de la dissolution du parti postulant.
Le projet de Kamel Morjane va, toutefois, au-delà de ses alliances, d’où tout l’intérêt de sa pensée et de sa vision pour la Tunisie de demain.
Selon lui, l’idéal pour la Tunisie est de dégager un consensus minimal entre les familles politiques du pays et de s’entendre sur un nouveau modèle de développement du pays, réalisable sur plusieurs décennies, suggérant de s’inspirer, à cet effet, de la coalition qui gouverne actuellement l’Allemagne, en l’occurrence le couple formé de la CDU (Union chrétienne démocrate, parti conservateur) et le SPD (Parti social-démocrate, parti de gauche).
Et Kamel Morjane de préciser sa pensée: «aujourd’hui, ce ne sont pas les idéologies qui gouvernent le monde ce sont les forces politiques de gauche et de droite qui s’entendent sur un programme socio-économique commun qui engage le pays pour une longue période», a-t-il-dit avant d’ajouter: «pour le cas de la Tunisie, ce qui importe le plus c’est l’unité nationale et sa pérennité».
Avec une telle vision à laquelle les Tunisiens sont, particulièrement, sensibles, Kamel Morjane dont le parti est bien ancré dans une des régions les plus prospères et les plus politisées du pays, représente, de toute évidence, une véritable carte gagnante pour toute coalition qui l’accepterait dans ses rangs.