GPA, PMA, les vaches normandes (et leurs éleveurs) ont déjà tout essayé

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évrier 2014 (Photo : Jean-Francois Monier)

[24/02/2014 09:53:32] Hauteville-la-Guichard (France) (AFP) L’alerte est tombée à 6H30 sur le smartphone de l’éleveur mais trois heures plus tard le veau n’était toujours pas né et il a fallu appeler le vétérinaire. Sans cette vigie technologique, Jules n’aurait jamais vu le jour.

Insémination, sexage, échographie in utero et assistance au vélage: la procréation assistée relève de la routine à la ferme de La Fauvisière près de Saint-Lô, pour le confort des éleveurs et le succès de l’exploitation.

“Sans le Vel’phone, on ne se serait pas rendu compte que le travail avait commencé”, constate Benoît Hulmer: à quelques mètres, couvert d’une combinaison de plastique, son frère Thierry se tient au côté d’Abeille, une Normande noire et blanche encore sonnée par la césarienne, son nouveau-né tremblant dans la paille.

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évrier 2014 (Photo : Jean-Francois Monier)

C’est une araignée en plastique bleu d’une quinzaine de cm équipée d’un thermomètre, placée dans l’intimité de la vache 48 heures avant le moment présumé du vélage, qui les a réveillés. Matin et soir, le système envoie un relevé de température sur leur portable. Quand le travail commence, elle est expulsée par les contractions et le choc thermique déclenche l’alerte. L’éleveur dispose alors de deux heures avant la naissance et son éventuelle intervention. Inutile de se lever en pleine nuit.

“L’innovation, ça assouplit les contraintes du quotidien. Mais c’est aussi une sécurité”, note Thierry Hulmer.

– Big Brother chez les vaches –

Dans cette exploitation de la Manche, ils sont trois avec leur salarié Luc à gérer 180 vaches et une production annuelle de 950.000 litres de lait. A l’aise en bottes de caoutchouc, les deux frères sont en réalité des “geeks” qui ne lâchent jamais leurs écrans de téléphone et d’ordinateur. Car ce sont eux qui les renseignent sur l’état du troupeau.

C’est Big Brother chez les vaches. Le collier autour de leur cou, qui enregistre lors de la traite leur production de lait et ajuste leur ration alimentaire, relève aussi tout regain d’activité caractéristique des chaleurs : aussitôt alerté, il sait qu’il doit appeler l’inséminateur dans les 12 à 24 heures.

Précieux, car les chaleurs sont moins facilement détectables chez les laitières, explique Benoit Delalleau, vétérinaire des producteurs du groupement Littoral Normand. Or, comme 85% des élevages laitiers en France, l’exploitation s’en remet intégralement à l’insémination artificielle depuis sa fondation. René Hulmer, le père, a d’emblée tout misé sur le progrès et “fait réaliser la première insémination du département en 1955”, confie-t-il fièrement.

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Un jeune veau (Photo : Jean-Christophe Verhaegen)

Depuis 2 ans, l’éleveur peut même choisir le sexe du veau programmé: c’est plus cher (100 euros contre 50), nécessite souvent 3 tentatives au lieu de 2, mais ça garantit une femelle à 90% – utile quand on produit du lait.

Tout en s’exécutant derrière la vache, le bras tendu vers l’avant, Jacky Thomine, l’inséminateur de la Coopérative Evolution, énumère les autres avantages: des veaux plus petits, donc un vélage plus facile. Sans compter que l’avancée de la génétique permet d’une simple prise de sang ou prélèvement de cartilage de jauger la valeur génétique de l’animal (qualité de lait, rapidité de traite, longévité… plus de 35 caractères sont identifiés) pour ne sélectionner que les meilleurs. “Il fallait 6 à 7 ans auparavant pour être fixé”.

– La GPA déjà dépassée –

Dès lors, pourquoi se priver, il est possible de démultiplier la reproduction des meilleures par la transplantation d’embryons chez des mères porteuses boostées aux hormones. Un traitement lourd que les frères ont abandonné après l’avoir “beaucoup” appliqué pour développer leur élevage.

Ainsi, la GPA, ou gestation pour autrui, est déjà dépassée dans la campagne normande.

A 45 jours, Jacky Thomine revient pratiquer une échographie: une caméra ultraplate en forme de barrette qu’il glisse in utero fait apparaitre sur son écran un veau minuscule. Le sexe se lit entre 60 et 90 jours.

L’exploitation est bardée de capteurs qui enregistrent les mouvements, production, alimentation, gestation, naissance. En revanche les frères n’ont pas de caméras parce qu’ils ont déjà assez d’écrans à surveiller.

Et Thierry Hulmer attend mieux encore: une puce glissée sous la peau au niveau de l’épaule, encore au niveau expérimental, qui transmettra toutes les données à la fois – santé, chaleurs, vélage… “Une aide supplémentaire, moins de travail et une surveillance en temps réel”.

“C’est vrai, reconnaît-il. On passe moins de temps derrière les vaches et davantage devant un écran… Mais c’est ainsi: tout le monde regarde son téléphone”.

Et chez lui, le sms vaut le prix d’une vie.