érence de presse au siège, à Washington, en janvier 2013 (Photo : Chip Somodevilla) |
[26/02/2014 19:56:44] Washington (AFP) Changement d’ère au FMI? Des experts de l’institution ont détaillé mercredi les bienfaits de la réduction des inégalités sur la croissance, se démarquant des cures d’austérité prescrites par le Fonds en Grèce et, peut-être bientôt, en Ukraine.
Coupes dans les dépenses publiques, hausse des impôts indirects (TVA), privatisations: le remède anti-récession imposé par le Fonds monétaire international passe encore mal dans les pays de la zone euro placés ces dernières années sous son assistance financière.
Mais à l’heure où l’institution est sollicitée par le nouveau pouvoir en Ukraine, trois de ses économistes signent une étude qui pointent, en creux, les failles de ces plans d’aide en insistant sur l’importance de redistribuer les richesses afin de lutter contre les inégalités.
“Ce serait une erreur de focaliser sur la croissance et de penser que les inégalités se régleront d’elles-mêmes, au moins pour la seule raison que cela se traduira par une croissance faible et non-viable”, écrivent les auteurs de cette étude qui a reçu l’onction du chef économiste du Fonds monétaire international, Olivier Blanchard.
Selon ce document, les inégalités sociales risquent ainsi d'”amputer la croissance” en réduisant l’accès à l’éducation et à la santé ou en alimentant l’instabilité politique et économique.
Ces experts n’hésitent pas, dès lors, à prendre le contre-pied de certains économistes libéraux selon qui la redistribution des richesses par l’impôt et les transferts sociaux (allocations, aides…) décourageraient l’initiative privée et seraient, in fine, nuisibles à l’activité économique.
“Nous n’avons trouvé que de rares signes démontrant que les efforts de redistribution traditionnels ont un impact négatif sur la croissance”, soulignent les auteurs.
Selon cette étude, ces politiques ont au contraire permis de soutenir une croissance “plus rapide et plus durable” et montrent que l’inaction face aux fortes inégalités était indéfendable “dans de nombreux cas”.
Les trois experts ne s’attardent pas en détail sur les mesures de redistribution qui trouvent grâce à leurs yeux mais citent néanmoins les taxes destinées à freiner la spéculation boursière ou les aides financières visant à lutter contre l?absentéisme scolaire.
“Effets pernicieux”
L’étude, qui ne reflète pas la position officielle du FMI, sonne ainsi comme une critique implicite des plans d’austérité du Fonds qui ont été accusés d’avoir négligé les inégalités sociales et, parfois même, de les avoir renforcées.
Quel pourrait, in fine, être son impact? Lors d’une conférence de presse, un de ses auteurs, Jonathan Ostry, a certes admis que l’étude n’avait pas d'”implications directes” sur la conception des programmes d’aide du FMI et sur ses recommandations.
Mais elle fait toutefois écho à des questionnements plus profonds qui agitent le Fonds monétaire. Sa directrice générale, Christine Lagarde, l’a déjà montré mardi en mettant en garde contre “les effets pernicieux” de la montée des inégalités.
“Dans les années qui viennent, il ne sera plus possible de simplement se focaliser sur la croissance économique. Il faudra s’assurer qu’elle soit partagée”, a indiqué Mme Lagarde, dans un discours à l’université de Stanford (Californie).
Lors de son assemblée générale en octobre, le Fonds avait déjà fait sensation en s’inquiétant de la “hausse spectaculaire” de la richesse des “1%” les plus fortunés et en assurant qu’il serait possible de “davantage” taxer les hauts revenus.
Il avait même évoqué l’hypothèse d’une taxe exceptionnelle sur la richesse afin de réduire les déficits publics avant toutefois de faire machine arrière face aux critiques de certains milieux d’affaires.
Sans attendre, l’organisation non-gouvernementale Oxfam a salué l’étude parue mercredi, espérant qu’elle marquait un “changement de ton” du Fonds.
“Le FMI a déconstruit le vieux mythe selon lequel la redistribution serait néfaste à la croissance et a démoli les arguments en faveur de l’austérité”, a assuré Nicolas Mombrial, directeur d’Oxfam Washington.
Selon l’ONG, les gouvernements ont désormais “le feu vert” du FMI pour utiliser leur fiscalité afin de réduire les inégalités.