Il faut dire la vérité aux Tunisiens. Invité à de multiples reprises par Houcine Abassi, secrétaire général de l’UGTT, au nom du Quartet (dont font partie également l’UTICA, la LTDH et l’Ordre des Avocats), à dévoiler à ses compatriotes toute la vérité, rien que la vérité au sujet de la situation du pays, notamment sur le plan économique, Mehdi Jomaa, chef du sixième gouvernement de l’ère post-Ben Ali, va parler aux Tunisiens, lundi 3 mars 2014, pour leur dire dans quel état il a trouvé le pays dont il a pris les commandes le 29 janvier dernier.
Ce jour-là, le chef du gouvernement va, chiffre à l’appui, administrer un véritable électrochoc aux Tunisiens pour, selon un membre de son entourage, leur faire prendre conscience de deux choses essentielles: que la situation du pays notamment sur le plan économique est très, très difficile, pour ne pas dire catastrophique, et que les Tunisiens –gouvernants et gouvernés- ne peuvent plus continuer à se comporter et à gérer leur pays de la manière dont ils l’ont jusqu’ici fait.
Mais M. Jomaa ne se contentera pas de livrer son diagnostic. Il va également révéler les grandes lignes du traitement qu’il entend administrer au pays pour le remettre sur les rails; c’est-à-dire annoncer les réformes et les mesures qui seront mises en œuvre au cours des prochains mois, plus particulièrement en matière économique.
Le gouvernement actuel entend, selon une source proche du chef du gouvernement, opérer «une rupture avec la dynamique économique en vigueur dans le pays depuis la révolution». Premier chantier, le rééquilibrage des finances publiques qui, souligne-t-on dans l’entourage de Mehdi Jomaa, souffre d’un énorme «trou» dont l’ampleur va être révélée de manière précise par le chef du gouvernement.
Cette situation va imposer des mesures douloureuses, donc impopulaires, comme la levée de la subvention de certains produits –pour alléger le fardeau de la Caisse des Compensations- que les services du nouveau ministre de l’Economie et des finances sont en train de déterminer sur la base de simulations. Il est également question sinon de mettre fin du moins de réduire fortement les recrutements dans la fonction publique.
Toutefois, le gouvernement attendra de garantir des ressources supplémentaires avant de lancer –probablement vers la fin avril- le chantier de la loi de finances complémentaire.
Des ressources que le gouvernement entend trouver en partie auprès des bailleurs de fonds étrangers –parmi lesquels la Banque mondiale et le FMI, dont des délégations seront la semaine prochaine à Tunis- mais également en réactivant le programme de cessions de sociétés confisquées, que la Troïka avait mis en veilleuse durant les derniers mois de son règne.
Hakim Ben Hamouda, qui s’est rapidement penché sur ce dossier, entend identifier rapidement une dizaine d’entreprises à vendre en 2014, dans l’espoir d’en retirer près de 350 millions d’euros brut et 150 millions nets (après remboursement des crédits).
Le nouveau ministre de l’Economie et des Finances a également de mettre un peu d’ordre et une meilleure harmonie entre la multitude de structures intervenant dans ce dossier.
Le gouvernement Jomaa est également décidé à abandonner la politique de relance par la consommation mise en vigueur depuis 2011 pour tabler sur l’investissement.
A cet effet, Mehdi Jomaa va proposer aux chefs d’entreprises un «pacte d’investissement» pour les inciter, notamment par l’annonce d’incitations fiscales et autres –mais également de réformes-, à se remettre au travail. Dans le même but, le chef du gouvernement entend trouver rapidement avec le ministre de la Justice une solution au problème des hommes d’affaires interdits de voyage.
Côté réformes également, le gouvernement va accélérer la cadence. Pour commencer, le nouveau code des investissements, fortement critiqué par la communauté d’affaires, va être largement remanié voire abandonné (voir MC).
De même, les dossiers des réformes fiscale et bancaire passeront en conseil des ministres au plus tard début avril. Idem pour le projet de loi concernant le Partenariat Public Privé (PPP) auquel le nouveau gouvernement attache beaucoup d’importance, car susceptible de permettre à l’Etat de réaliser les projets moins rentables mais néanmoins nécessaires au développement des régions.
Surprise, d’après une source à La Kasbah, par l’absence dans les cartons de projets destinés aux régions, la nouvelle équipe est déterminée à en identifier rapidement pour répondre à la forte demande dans ce domaine.
L’idée actuellement à l’étude est de créer, avec le privé, un fonds dédié aux projets structurants. Dans ce cadre, le gouvernement Jomaa voudrait faire jouer un plus grand rôle à la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC). Les grands projets dont on parle depuis si longtemps qu’ils deviennent de véritables serpents de mer –comme le Port en eau profonde d’Enfidha- vont être sérieusement mis sur la table en vue de les concrétiser.
Les régions bénéficieront également de deux autres actions destinées à y doper la création d’emplois et, partant le développement, dont une initiative pour l’auto-emploi (avec l’harmonisation des multiples instruments y afférents) une meilleure coordination des outils de financements des petites et moyennes entreprises.